Arts décoratifs

Le goût Rothschild récompensé

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 14 novembre 2014 - 840 mots

Christie’s et Sotheby’s Paris ont totalisé 21 millions d’euros de chiffre d’affaires, notamment grâce à la collection Rothschild chez Christie’s.

PARIS - Les 5 et 6 novembre, Christie’s et Sotheby’s organisaient leurs ventes d’arts décoratifs anciens à Paris. Si le produit atteint est supérieur de 30 % à celui de 2013, Christie’s réalise un total de 15,7 millions d’euros frais compris, trois fois supérieur à celui de Sotheby’s (5,4 millions). La maison de ventes de François Pinault a même dépassé son estimation haute fixée à 14 millions d’euros. Ce chiffre est dû à la présence dans la vente de chefs-d’œuvre issus d’une grande collection européenne (qui ont obtenu 8,3 millions d’euros contre une estimation haute de 7). Cette collection n’était autre que celle d’Élie de Rothschild (décédé en 2007), ou du moins de ses héritiers, patronyme ô combien réputé et de nature à rassurer les acheteurs. Pourquoi ceux-ci ont-ils souhaité vendre ? Selon un connaisseur du marché, « les enfants devaient se répartir la succession, gardant les objets très importants pour eux. C’est peut-être aussi pour cela que la collection n’est pas clairement nommée… ».

La majolique italienne
Sur les 168 lots proposés à la vente par Christie’s, 160 ont trouvé preneur. Les plats en majolique italienne, dont l’un représente probablement le martyre de sainte Ursule (adjugé 457 500 euros [1] contre une estimation basse de 30 000 euros), ont su séduire, tout comme l’ensemble d’émaux de Limoges, à l’instar d’une paire de pique-cierges, Venise, vers 1500, emportés à 361 500 euros (est. 150 000 à 200 000 euros). Quant aux lots phares annoncés, ils ont également été cédés mais tous en deçà de leurs estimations, trop élevées. « Si les estimations ne sont pas assez élevées, le vendeur va frapper à la porte du concurrent direct ! », se lamente un spécialiste du marché.

La paire de coffres d’époque Louis XIV attribuée à André Charles Boulle a été vendue 1,4 million d’euros au marteau (est. 1,5 à 2,5 million[s] d’euros) – ils ont été restaurés récemment de façon trop clinquante alors que les autres lots étaient dans leur jus ; le lustre d’époque Empire attribué au bronzier Pierre Philippe Thomire, déjà passé en vente récemment, a atteint 553 500 euros (est. 700 000 à 1 million d’euros) et les deux paires d’appliques Louis XVIII du palais des Tuileries ont été emportées pour 385 500 euros (est. 400 000 à 600 000 euros). La maison organisait une seconde vente le lendemain avec, de nouveau, des lots provenant de la collection Rothschild ainsi que de celle d’Elie et Inna Nahmias. Le pedigree a encore payé puisque la vente a atteint 7,4 millions d’euros (est. 4 à 7).

Chez Sotheby’s, les résultats sont plus mitigés. L’auctioneer attendait 6 à 9,3 millions d’euros et n’en a récolté que 5,4. « La tendance se confirme : il y a un ralentissement du marché de l’art ancien car les nouveaux collectionneurs se tournent plus facilement vers l’art moderne », indique Brice Foisil, directeur du département. La vente « L’œil d’un collectionneur » a récolté 2,7 millions d’euros (est. 2,8 à 4,3 millions), avec 65 lots vendus sur 95, récompensant deux commodes d’époque Louis XV et Régence, de Charles Cressent, toutes deux estimées 120 000 à 180 000 euros et adjugées respectivement 145 500 et 139 500 euros. En revanche, le lot phare, un secrétaire en laque du Japon estampillé Dubut (est. 200 000 à 300 000 euros), estimé trop cher, est resté sur le carreau. Quant à la vente « Classique/Moderne : arts décoratifs du XVIe au XIXe siècle », plus modeste en qualité, elle a atteint 2,7 millions d’euros (est. 3,3 à 5 millions d’euros), nombre  de lots venant « du commerce ».

Frémissement sur le XVIIIe
Un bon résultat est à noter cependant, celui d’une commode, vers 1770, estampillée StumpfF, vendue 145 500 euros (est. 50 000 à 80 000 euros) : « il y a un an, elle n’aurait pas fait un tel prix mais plutôt 70 000 ou 80 000 euros », souligne Bill Pallot, expert en mobilier et objets d’art (galerie Didier Aaron & Cie). Il poursuit : « J’observe un frémissement du marché depuis six mois. Si le très haut de gamme se vend toujours très bien, et que le moyen de gamme et le courant ne se vendent toujours pas et ce depuis au moins quatre ans, en revanche, le beau mobilier XVIIIe, qui avait fini par trinquer aussi, commence à reprendre des forces. Ce frémissement me paraît normal, entre la réouverture des salles XVIIIe au Musée du Louvre, l’exposition sur les laques au Musée des arts décoratifs, puis celle qui a lieu actuellement à Versailles, ça serait dommage que ça ne relance pas le XVIIIe. »

Christie’s, 5 et 6 nov.

Estimation : 9 à 14 M€
Résultat : 15,7 M€
Taux de vente : 85,5 %

Sotheby’s, 5 novembre

Estimation : 6,1 à 9,3 M€
Résultat : 5,4 M€
Taux de vente : 64,5 %

Note

(1) Toutes les estimations sont indiquées hors frais acheteur tandis que les résultats sont indiqués frais compris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°423 du 14 novembre 2014, avec le titre suivant : Le goût Rothschild récompensé

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