Le design en première ligne

Sotheby’s s’engage dans ce nouveau marché

Le Journal des Arts

Le 1 février 1997 - 659 mots

Les créateurs londoniens ont le vent en poupe, et les designers connaissent un certain succès commercial. Désireux d’être présent sur tous les fronts, Sotheby’s organise sa première vente de designers anglais.

LONDRES (de notre correspondante) - Selon l’hebdomadaire Newsweek, Londres est aujourd’hui la ville la plus créative du monde. Ses mannequins, designers, artistes et photographes connaissent une vogue que l’on avait pas rencontrée depuis des décennies. Sotheby’s, toujours à l’affût d’un nouveau marché, a pris le train en marche. Sa première exposition d’œuvres de designers anglais contemporains se tiendra du 6 au 13 février.

Acheter du design revient souvent moins cher que d’acquérir des reproductions ou des antiquités de bonne qualité. Mais les designers ont toujours été confrontés à un manque de débouchés. Commander une œuvre requiert une grande confiance, de la patience, et l’objet que l’on obtient en fin de compte ne correspond pas forcément à ce que l’on avait imaginé. Selon Cheryl Wallis, de "100% Design" (la première foire commerciale britannique pour le design contemporain, lancée en 1995 pour rivaliser avec celles établies de longue date à Milan, Cologne et New York), le design connaît un regain d’intérêt depuis que des restaurants et des hôtels soucieux de rajeunir leur image ont passé des contrats.  Le grand public, à la recherche de produits de qualité pour la maison, a suivi le mouvement. C’est Janice Blackburn, autrefois à la Saatchi Gallery, qui a organisé l’exposition chez Sotheby’s. Selon elle, "nous traversons une période de création exceptionnelle pour l’art et le design britanniques. Les écoles d’art lancent des étudiants qui sont rapidement à la mode, et les arts décoratifs anglais sont en passe de perdre l’image d’artisanat populaire qu’ils avaient dans les années soixante et soixante-dix".

Pull-over en cheveux
Elle a choisi les œuvres d’environ soixante-dix designers dans tous les domaines – bois, verre, céramique, textiles, bijoux et argen­terie –, pour une exposition proposant une gamme complète de styles, de prix et de techniques, des pointures internationales, comme John Makepeace et Ron Arrad, à leurs poulains tout frais émoulus des écoles. Senior Carmichael, qui associe deux élèves de John Makepeace, expose un Sun Cabinet utilisant différents placages de couleur : deux délicates portes recouvertes de sycomore sont ornées des rayons d’un soleil qui surgit du centre en bois d’if, lui-même tiroir secret. Mary Little propose des meubles aux formes sensuellement sculpturales, tapissés de luxueuses étoffes qui contrastent avec la solidité du bois. Elle vient d’obtenir une commande de l’English Heritage pour réaliser le mobilier du salon de Belsay Hall, dans le Northum­berland. Voilà bien la preuve que le design contemporain peut trouver sa place dans les demeures historiques.

Des pièces de jeunes créateurs "décapants" pourraient surprendre les habitués du sacro-saint immeuble de New Bond Street, le siège londonnien de Sotheby’s. Julia Schrader, par exemple, part d’objets fonctionnels qu’elle détourne de leur contexte pour leur donner un côté décoratif, comme sa chaussure à haut talon hérissée de pointes en porcelaine. Emily Bates utilise des cheveux qu’elle récupère chez les coiffeurs, puis les file et les tricote. Ses robes ont des proportions extraordinaires, des corsages minuscules prolongés par des jupes longues de plus d’un mètre cinquante.

Les prix sont très variables : 5 livres sterling (45 francs) pour des cartes faites main, 100 livres (900 francs) pour les textiles. La pièce la plus chère de l’exposition est celle proposée par Courts & Hackett’s, les joailliers de Keith Richards : un pommeau de cravache en argent orné de deux énormes perles de nacre, à 100 000 livres (900 000 francs). Que les œuvres de certains de ces créateurs soient ou non un bon investissement, elles valent de toute façon le coup d’œil. Sotheby’s considère le design du XXe siècle comme un marché porteur. Janine Blackburn, elle, ne s’engage pas : "Si l’on achète ce que l’on aime et qu’on l’apprécie pendant de longues années, la question de l’investissement ne devrait pas intervenir", commente-t-elle. En tout cas, cela change du shopping chez Habitat !

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°33 du 1 février 1997, avec le titre suivant : Le design en première ligne

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