Jurisprudence

Le Conseil d’État fortifie la « retraite » des marchands

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 12 novembre 2008 - 501 mots

La haute juridiction administrative a donné raison à un antiquaire à la retraite.

Un arrêt du Conseil d’État, rendu le 4 juin 2008 contre le ministère de l’Économie et des Finances, peut en partie rassurer les marchands du « papy-boom » qui viennent de partir à la retraite ou le feront prochainement. En partie seulement, parce qu’il a fallu près de vingt ans à l’antiquaire qui était aux prises avec le fisc pour obtenir gain de cause.
Pour résumer, un antiquaire de Cannes avait cessé son activité en 1986 et en avait avisé l’administration fiscale. S’en était suivi un premier contrôle qui n’avait pas, semble-t-il, été accompagné de redressements notables. Par la suite, l’antiquaire avait revendu certaines pièces de son stock et des collections qu’il avait conservées, les déclarant au titre de la taxe forfaitaire sur les plus-values des particuliers. Une pratique normale en somme, d’autant plus que son stock de fin d’activité avait été inclus dans le contrôle de l’administration. Et sans doute une pratique courante pour les professionnels de l’art, dont l’écoulement des collections personnelles constituées au fil des ans vient souvent abonder les retraites versées chichement par les régimes des commerçants.
Deux ou trois ans après sa cessation d’activité, le fisc avait déclenché un contrôle de la situation fiscale personnelle de l’antiquaire et, considérant qu’il avait poursuivi des activités occultes ou non déclarées, lui avait notifié des redressements en matière de TVA et d’impôt sur le revenu au titre des années 1987 et 1988. Après que l’antiquaire eut saisi le tribunal administratif de Nice, lequel lui avait donné partiellement raison en 2001 – donc treize ans après –, l’affaire était revenue devant la cour administrative d’appel de Marseille qui lui avait accordé décharge complète en juillet 2006.
Saisi du pourvoi du ministère de l’Économie et des Finances contre cet arrêt, le Conseil d’État l’a rejeté en validant l’appréciation des juges de Marseille, qui avaient estimé « que l’activité de vente au titre de laquelle les redressements et rappels ont été notifiés […] était connue de l’administration, dès avant l’engagement de l’examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, cette activité correspondant à la liquidation du stock de l’activité commerciale, dont il avait déclaré la cessation et qui avait fait l’objet d’une vérification de comptabilité, et à la vente de biens provenant de sa collection personnelle, qu’il avait déclarée en vue de l’imposition à la taxe forfaitaire sur les objets et métaux précieux, et que cette activité n’avait, dès lors, pas un caractère occulte ». Le Conseil d’État concluait que la cour d’appel avait « pu juger sans erreur de droit ni erreur de qualification juridique que les modalités d’exercice de cette activité, incluant les conditions dans lesquelles elle avait été déclarée, ne pouvaient être regardées comme non déclarées… ». Cette décision est éclairante pour les professionnels de l’art. Reste toutefois qu’elle est obscurcie par une procédure interminable qui pourrait les dissuader de jouer la transparence.

CE, section du contentieux, 8e et 3e sous-sections réunies, no 296932, 4 juin 2008.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°291 du 14 novembre 2008, avec le titre suivant : Le Conseil d’État fortifie la « retraite » des marchands

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