Le Conseil des ventes consulte sur le Web

Il entend élaborer un guide pratique des ventes volontaires, dont l’avant-projet pose question

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 16 mai 2003 - 1078 mots

Le Conseil des ventes a mis en ligne sur son site un avant-projet de guide pratique des ventes volontaires et a lancé jusqu’au 28 avril une consultation Internet à ce sujet. Très en deçà des objectifs que s’était donnés le Conseil des ventes en matière de déontologie, le texte reflète peut-être un conflit de légitimités.

PARIS - Le Conseil explique sur son site Internet qu’il a demandé au groupe de travail “déontologie” d’élaborer un guide pratique des ventes volontaires destiné au SVV et aux experts agréés, mais également aux utilisateurs des ventes aux enchères publiques “dans un souci de transparence du marché et d’harmonisation des pratiques”. Il précisait qu’il attendait des remarques et suggestions avant le 28 avril, cette “concertation”, après examen des observations, devant préluder à un projet de guide définitif.

Déontologie succincte : renvoi aux usages ou au Symev ?
Une première lecture donne l’impression d’une certaine hâte, se traduisant par une sensation d’inachevé. S’agissant d’un projet, cette constatation est sans doute normale, sinon, à quoi servirait la concertation à laquelle invite le Conseil ? Toutefois, si le projet reprend de façon détaillée, voire redondante, les dispositions de la loi de réforme et de ses textes d’application ainsi que les avis interprétatifs que le Conseil a émis, publiés sur son site et pour la plupart détaillés dans son premier rapport d’activité, le texte semble très succinct en matière de déontologie.
Le préambule du projet annonce des “recommandations de nature déontologique qu’il a paru nécessaire [au Conseil] de faire dans ce domaine et [que celui-ci] invite les SVV et les experts à respecter”. Le premier rapport annuel d’activité annonçait comme une “tâche prioritaire : l’élaboration de recommandations déontologiques… [fixant] des règles […] garantes d’un fonctionnement transparent et harmonieux du marché de l’art” et détaillait même les domaines particuliers dans lesquels il fallait “élaborer des règles de bonne pratique”.
À la lecture, on doit constater que certaines questions visées par le rapport annuel manquent à l’appel. En particulier les règles applicables aux experts agréés, celles applicables aux relations des SVV entre elles et avec les autres intervenants du marché et, dans le chapitre de la transparence des ventes publiques, le traitement des “incidents rencontrés au cours de la vente” ainsi que les règles applicables aux “relations avec les acheteurs et vendeurs professionnels”.
Certes, le préambule boucle la question, de façon elliptique, en précisant que le texte “s’appuie sur les usages constants et loyaux de la profession de commissaire-priseur et de la profession d’expert ainsi que [sur] les ‘codes’ déjà adoptés par ses professions”. Ce qui signifierait que le besoin prioritaire de déontologie mentionné dans le premier rapport du Conseil était déjà couvert par ailleurs. Et après tout, il est exact que les codes de déontologie des experts ne manquent pas, non plus que ceux des antiquaires ou des galeries d’art.
La présence, dans le groupe de travail ayant élaboré le projet, de Michel Dauberville, qui avait contribué à l’adoption du code de déontologie des galeries d’art, mais également d’Annette Vinchon, représentant les experts, pourrait expliquer cette “découverte” tardive.

Question de légitimité ?
Mais on peut aussi relier ses omissions à la bataille de légitimités qui s’est ouverte entre le Conseil des ventes et certains des professionnels, qui s’est manifestée par les déclarations du Symev et les démissions de certains suppléants, expert et expert-marchand. L’état actuel du guide exprimerait alors soit une renonciation du Conseil à “légiférer” dans les domaines réservés des professionnels, soit un repli provisoire en attendant d’asseoir une légitimité interprofessionnelle.
Un Conseil des ventes dans lequel les marchands ne sont représentés que par un suppléant, et où les experts “renâclent” contre des textes institutionnalisant une disparité de perception et de traitement entre eux et les SVV, peut sans doute difficilement dépasser son rôle de simple ordonnateur d’un dispositif législatif et réglementaire.
Mais cela laisse entière la question de l’interprofession. Car le simple refus de voir le président du Conseil des ventes s’immiscer dans le “groupe de liaison”, censé représenter les différentes composantes professionnelles du marché de l’art, ne constitue pas l’expression suffisante d’une volonté commune d’agir pour la défense et l’illustration du marché français, et de ses opérateurs. A fortiori, ce “front du refus” des professionnels – à le supposer constitué – oublie ses fournisseurs et clients alors que la réforme justifiait une grande partie de son dispositif, en particulier ses entorses au droit communautaire, par les impératifs de défense du consommateur.

Transparence en souffrance
Le consommateur semble un peu laissé de côté. Ainsi, le souci de transparence et de lisibilité ne s’exprimerait que par des catalogues constellés de “signes distinctifs” : absence ou non de prix de réserve, objet appartenant à des dirigeants ou salariés de la SVV, objets soumis à des modalités de vente ou de fiscalité particulières, lots faisant l’objet d’un copyright ou d’un droit de suite… Chaque situation se trouverait assortie d’une marque. Mais, si le projet signale (à propos des lots vendus sans prix de réserve) que cette dernière devra être claire et facilement accessible, une page plus loin, il résume l’obligation légale d’information sur les objets appartenant à des dirigeants ou salariés des SVV à la présence d’un “astérisque ou autre”… Conclusion prévisible : la lecture des catalogues des différentes SVV pourrait in fine réclamer la consultation d’un dictionnaire des “poinçons” des différentes SVV.
Autre exemple : après avoir expliqué la nécessité d’une réquisition de vente devant mentionner, outre l’identité du vendeur et la description des objets, des informations telles que la date de la vente, l’estimation de l’objet, le prix de réserve éventuel..., le texte propose un modèle de réquisition. Sur ce modèle n’apparaissent nettement que deux colonnes comportant le descriptif et l’état des objets à vendre. S’y ajoute une mention du détail des frais de vente (mais stipulé “à la demande expresse du requérant”, ce qui semble signifier que la réquisition standard n’appellera pas d’office l’attention du vendeur sur cette question d’importance). Enfin, en bas, un N.B. en petits caractères mentionne cette clause extraordinaire : “Toutes indications autres que l’énonciation des noms et adresse du vendeur et la désignation pure et simple des objets déposés, sont nulles et de nul effet, considérées comme non écrites. Les vendeurs qui envisageraient une modalité spéciale (date de vente, etc.) doivent à ce sujet consulter la société de vente volontaire”. Bref, s’il venait à l’idée d’un vendeur de consigner sur la réquisition de vente standard ce qu’il aurait arrêté avec le représentant de la SVV, ces stipulations seraient nulles. On nage en pleine transparence.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°171 du 16 mai 2003, avec le titre suivant : Le Conseil des ventes consulte sur le Web

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