Le collectionneur, la foire et le commissaire

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 25 juin 2009 - 509 mots

Qu’est-ce qui différencie une collection d’une collecte ? Les choix artistiques du collectionneur, son indépendance d’esprit mais aussi son mode de présentation. C’est là qu’intervient le commissaire.

Entre les expositions de la collection de François Pinault à la Pointe de la Douane et au Palazzo Grassi, sous la houlette de Francesco Bonami et d’Alison Gingeras, et celles de Lille ou, plus modeste, de Dinard orchestrées par Caroline Bourgeois, le hiatus est saisissant (lire p. 10). D’un côté, le duo de curateurs américains s’est livré à une démonstration de force plus que de pensée. De l’autre, la commissaire française s’est attardée sur une face plus sensible, intériorisée et intime de l’homme d’affaires. Certes, certains ensembles de la Douane, comme les Sigmar Polke ou les Mike Kelley, sont d’autant plus remarquables qu’ils sont servis par l’aménagement réussi de l’architecte Tadao Ando. Mais on peut s’étonner qu’un homme aussi indépendant et original que François Pinault se contente d’un alignement de trésors de guerre. Ou qu’il confie une salle entière à Piotr Uklanski, compagnon d’Alison Gingeras. À l’opposé, Caroline Bourgeois introduit dans ses expositions des créateurs comme Charles Matton qu’on n’aurait pas spontanément imaginés dans l’univers de l’homme d’affaires. Si Martial Raysse et Adel Abdessemed sont les seuls artistes français du double accrochage de Venise, ces derniers furent plus nombreux à Lille et à Dinard. Évidemment, la question du site n’est pas anodine. Venise, surtout au moment de la Biennale, est un lieu de pouvoir, contrairement à la France...

Rapprochements ineptes
Le commissariat, voilà bien ce qui a fait défaut au Schaulager à Bâle, un espace qui brille pourtant toujours par la qualité de ses accrochages. En confrontant des œuvres de la collection Hoffmann et d’autres amateurs privés avec celles du Kunstmuseum de Bâle, l’institution a succombé à des rapprochements ineptes, travers des catalogues de ventes publiques. Car qu’y a-t-il de commun entre Joos de Momper et Joseph Beuys ou Frank Stella et Jan Van Kessel ? La présence de branchages dans un cas, l’utilisation de barres dans l’autre (sic).
Alors que les commissaires rechignent de plus en plus à présenter une vision, voire à prendre position, dans les expositions et les Biennales, ils le font plus volontiers sur les salons. Les responsables de foire sont souvent eux-mêmes critiques d’art ou curateurs, comme Andrea Bellini, directeur de la foire Artissima à Turin, ou Amanda Coulson, maître d’œuvre de Volta à Bâle. La Fair Gallery avait pour sa part confié son stand sur Frieze à Aurélie Voltz en 2007, puis l’année suivante à Pierre Bal-Blanc. L’échelle, le temps de maturation et le cahier des charges sont certes restrictifs pour les commissaires. Mais pour le curateur Paco Barragan, auteur de The Art Fair Age, « après tout, pour beaucoup de gens, les foires offrent un accès plus démocratique et moins intimidant à l’art contemporain que les environnements dans lesquels nous travaillons traditionnellement. La foire n’est-elle pas semblable à un certain degré au musée imaginaire de Malraux ? La foire n’est-elle pas une “maison de la culture” qui emmène l’art de ville en ville ? »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°306 du 26 juin 2009, avec le titre suivant : Le collectionneur, la foire et le commissaire

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