Le marché des cadres anciens et de collection est un marché de niche qui reste stable même si, comme les autres spécialités, il ne reste pas insensible aux crises.
Collectionner - « Le Cadre possède à la fois une fonction scientifique – protéger et éviter les chocs sur l’œuvre – mais aussi une fonction esthétique : attirer l’œil vers l’œuvre, la valoriser, sans pour autant prendre le pas sur elle », explique l’encadreur Antoine Bechet. Le cadre fait son apparition en Europe à la fin du XIVe siècle et au début du XVe, parallèlement au développement de la peinture religieuse. Au début, ce ne sont que de simples moulures posées directement sur le panneau de bois, mais au cours des siècles, le cadre va épouser les styles en vigueur et devenir un véritable objet d’art où ornemanistes et sculpteurs laissent libre cours à leur imagination. En bois doré, noirci ou laqué, il peut également recevoir un décor de marqueterie de bois précieux, d’écaille, de nacre ou d’ivoire. À la fin du XVIIIe, le stuc, moins cher et plus rapide à travailler, remplace peu à peu le bois, permettant ainsi de répondre à l’accroissement de la demande. Selon les pays, les techniques d’assemblage, les décors mais aussi les bois utilisés, sont différents. « Cela permet de déterminer les origines », précise Antoine Bechet. Il existe quatre grandes familles : le cadre français, le cadre italien, le cadre espagnol et le cadre des pays du Nord (Pays-Bas). Le chêne est par exemple utilisé en France, tandis que la Hollande favorise l’ébène, en provenance de ses colonies. Le marché s’est véritablement développé au milieu des années 1980, lorsque l’expert Vincent Guerre commence à programmer des ventes spécialisées chez Libert & Castor. « Auparavant, le cadre était un produit annexe, il y en avait trois ou quatre dans une vacation », raconte-t-il. Certaines maisons de ventes en ont fait une de leurs spécialités, comme EVE. « Nous expertisons environ 2 000 cadres par an, avec trois à quatre ventes par trimestre – comprenant entre 400 et 600 cadres –, généralement en amont des salons », rapporte l’expert François Lachaud. La valeur d’un cadre peut être assez variable en fonction de sa beauté, de son état de conservation, de son époque, de ses dimensions ou du thème sculpté. « Il faut d’abord vérifier son authenticité, puis sa technique, voir si la dorure est d’époque », détaille François Lachaud. Pour un cadre de qualité, il faut compter entre 2 000 et 6 000 euros, entre 15 000 et 20 000 euros pour les plus beaux. « Si les dorures se sont ternies, oxydées, qu’il y a eu une accumulation de poussière, cela confère à l’objet qui a traversé le temps un supplément d’âme. Il nous offre son histoire. J’essaie de conserver cela, quand bien même l’œuvre d’art a été remise en parfait état », conclut Antoine Bechet.
1_galerie Antoine Bechet - Antoine Bechet est spécialisé dans l’encadrement de dessins anciens. Depuis plus de vingt-cinq ans, il écume les foires, les ventes publiques, les greniers, etc., et s’est constitué un important stock de cadres anciens du XVe au XIXe siècle. Ce cadre en noyer mouluré, sculpté et doré à décor de rinceaux de feuillages et fleurs rappelle le goût de l’époque Louis XIII pour les modèles italiens (vers 1640). « Il annonce l’exigence plastique du règne de Louis XIV durant lequel le style français s’épanouira. Le rythme, la variété des motifs représentés, servis par le raffinement de la sculpture, seront des caractéristiques que l’on retrouve déjà avec ce cadre à la facture exceptionnelle. » Il fut exposé en 1921 à la Galerie Georges Petit lors de l’Exposition internationale du cadre.
4 000 €
2_galerie Montanari - Ce cadre à profil renversé, en bois fruitier noirci, à décor de guilloché et incrustations d’os gravés dans les angles, est typique de l’Europe du Nord. Les cadres des Pays-Bas avec moulures guillochées sont très recherchés. La galerie a été fondée en 1978 par Amedeo Montanari. Elle présente une importante collection de cadres anciens français, espagnols, italiens et hollandais, du XVIe au XXe siècle et est également spécialisée dans les cadres Art nouveau. Elle exécute aussi tous types d’encadrements anciens et modernes et travaille sur mesure. Capucine Montanari, fille du fondateur, a aujourd’hui repris la direction de la galerie, entourée de son équipe.
20 600 €
3_thierry De Maigret - Ce cadre italien en tilleul sculpté et doré à profil renversé, des XVIe-XVIIe siècles, en très bel état de conservation, est typique de la Renaissance italienne. « Très rares sur le marché, ils sont très prisés. Le vendeur ne s’attendait pas à ce qu’il atteigne ce prix. C’est un record à Drouot », rend compte l’expert de la vente, Vincent Guerre, qui ajoute : « Ce qui fait la valeur d’un cadre, c’est sa “valeur d’encadrement”, son époque, son style et son état de conservation. Si tout est réuni, les prix s’envolent, comme pour cet exemplaire », vendu chez Thierry de Maigret, le 24 février 2022.
Vendu 3 800 €
4_chez Eve - Grand Amateur d’art, le cardinal Léopold de Médicis fut l’un des collectionneurs les plus importants de son époque. Pour satisfaire ses goûts prononcés pour le baroque, il s’est occupé personnellement de la conception de ses cadres qui présentent des motifs décoratifs caractéristiques comme le zoomorphisme et l’anthropomorphisme. On peut encore les admirer à Florence à la Galerie palatine et aux Offices. « Les cadres italiens sont toujours très recherchés, ainsi que les cadres français Empire, la baguette Louis XVI ou le cadre en chêne sculpté et doré Louis XVIII », indique François Lachaud, avant de préciser : « Attention, il existe deux types de cadres : ceux qui peuvent être recoupés, de type baguette, et les cadres sculptés, qu’on ne peut couper. »
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Le cadre ancien
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°755 du 1 juin 2022, avec le titre suivant : Le cadre ancien
