Billet d'humeur

Le bel appétit des auctioneers

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 25 mai 2001 - 370 mots

Ventes publiques, départements de ventes privées, galeries d’art. Les auctioneers sont-ils insatiables ? Simon de Pury, nouveau patron de Phillips, a annoncé la donne dès son arrivée à la tête de la maison anglaise.

« Notre société [de Pury & Luxembourg fusionnée avec Phillips, ndlr] continuera à offrir des conseils à sa clientèle de ventes privées », affirmait-il le 17 décembre 2000, au moment de sa nomination – tout en annonçant l’ouverture d’une galerie d’art moderne et contemporain à Zurich. Il n’est pas le seul à jouer sur ces différents registres. Christie’s a créé un département de ventes privées au début des années 1990 et racheté dès 1993 la galerie londonienne Spinks, spécialisée dans l’art oriental et la numismatique. Sotheby’s a, elle aussi, fait preuve d’un bel appétit en achetant en 1996 la galerie new-yorkaise Andre Emmerich, avant de recruter Jeffrey Deitch pour le placer à la tête de cette nouvelle structure. En empiétant sur les « terres » des marchands, les géants des ventes publiques ne risquent-ils pas d’affaiblir cette profession ? Une étude publiée en 1998 par la Chambre de commerce internationale montrait que le développement des auctioneers se faisait au détriment des galeries. Celles-ci perdaient des parts de marché et souffraient d’une érosion de leurs marges bénéficiaires. La pluriactivité des auctioneers ne va-t-elle pas se retourner contre eux dans un effet de boomerang ?

 De véritables conflits d’intérêt entre ventes publiques et ventes privées ne manqueront pas d’apparaître. Un acheteur, qui a acheté un million de francs un tableau en suivant les conseils privés de son courtier, salarié par une grande maison de vente, ne risque-t-il pas de se retourner contre lui, si l’auctioneer estime et revend la toile moins cher (700 000 francs par exemple) en vente publique, que ce qu’il a déboursé pour l’acquérir ? En outre, les responsables des départements de ventes privées de ces maisons s’engageront-ils, comme le font souvent les antiquaires, à reprendre une œuvre dont leur client souhaite se séparer ? Cette politique de diversification des grandes maisons de vente, à laquelle s’ajoutent les garanties financières qu’offrent les auctioneers à leurs clients pour s’assurer de se voir confier des œuvres, ne constituent-elles pas une concurrence déloyale à l’égard des marchands ? 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°128 du 25 mai 2001, avec le titre suivant : Le bel appétit des auctioneers

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