Révolution

L’avant-garde russe à Matignon

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 1 avril 2005 - 601 mots

Victor Sfez expose dans sa nouvelle galerie des œuvres sur papier de Kogan, Gontcharova et El Lissitzky.

 PARIS - C’est avec discrétion que Victor Sfez a décidé d’ouvrir une nouvelle enseigne dans le quartier de Matignon. Après un arrêt d’activité forcé en septembre 2001, climat économique mondial oblige, le retour du marchand à la vocation tardive « s’est imposé », selon ses propres dires. Fort du succès de son exposition sur l’avant-garde russe en 2000 dans sa galerie du quai des Grands-Augustins, il a choisi d’inaugurer ces 20 m2 en fond de cour avec un ensemble d’œuvres sur papier caractéristiques de la nouvelle Russie du début du XXe siècle, qui a vu naître de nombreux mouvements modernistes.
Le Suprématisme, le Constructivisme ou le Rayonnisme sont emblématiques de cette recherche artistique de l’avant-garde à partir de 1910, date à laquelle Kazimir Malevitch publie son Manifeste du Suprématisme, et jusqu’à 1930, alors que Staline exerce depuis quelques années les pleins pouvoirs sur le pays. La pratique de cet art révolutionnaire est fortement marquée par la contribution des femmes, qui sont ici largement représentées (Nina Kogan, Olga Vladimirovna Rozanova, Natalia Gontcharova, Antonina Fedorovna Sofronova). La quarantaine de feuilles exposées contiennent les motifs reconnaissables de cet art construit, comme la croix et le cercle, mais présentent aussi quelques rares exemples figuratifs. Épurée et limpide, une large gouache sur carton de Lazar El Lissitzky domine le reste des compositions, et pour cause : à 190 000 euros, cette œuvre de 1923 est de grande qualité, et elle attend patiemment qu’un musée en fasse l’acquisition. Car les cinq ventes qui ont eu lieu pendant les premières vingt-quatre heures d’ouverture de la petite galerie sont le fait d’une institution et de jeunes acheteurs faisant leurs premiers pas. Selon le galeriste, les premiers acquéreurs de l’avant-garde russe sont les experts qui savent apprécier la rareté et la qualité de ces œuvres, mais aussi les collectionneurs privés européens, et de plus en plus de Russes soucieux de reconstituer leur patrimoine. Si le marché se concentre principalement à New York, Cologne et Londres, Paris pourrait se développer, notamment grâce à des expositions comme « La Russie et les avant-gardes », qui a obtenu un très grand succès à la Fondation Maeght à l’été 2003 (lire le JdA no 176, 12 septembre 2003). Par ailleurs, le marchand souligne l’intérêt des intellectuels « qui connaissent l’histoire et sont très émus par la modernité de ces pièces », et qui apprécient par exemple les trois collages d’Olga Rozanova de la série « Guerre universelle » (1916).

Aide à la création contemporaine
Au vu de l’importance de ces pièces au plan de l’histoire de l’art, les prix pratiqués ne sont pas excessifs. Une gouache figurative attribuée à Natalia Gontcharova est disponible dès 2 500 euros, pour des prix se situant en moyenne entre 10 000 et 15 000 euros. Victor Sfez déclare vouloir rester en dehors de toute spéculation, même si « le but avoué de l’opération est de faire de l’argent pour défendre des artistes vivants ». Le galeriste préfère en effet exposer et soutenir des artistes contemporains, plutôt qu’organiser des expositions d’œuvres pour lesquelles « il n’y a plus rien à prouver, l’histoire a tranché ». À ce propos, il a en projet une exposition de larges monochromes d’Alicia Hernandez et Ricardo Fernandez à la maison Knoll, sur le boulevard Saint-Germain, un projet qu’il souhaiterait voir se concrétiser « d’ici la fin de l’année ».

AVANT-GARDE RUSSE, 1910-1930

Jusqu’au 27 mai, galerie Victor Sfez, 5, rue Jean-Mermoz, 75008 Paris, tél. 01 45 62 54 27, tlj sauf le week-end, 10h30-13h et 14h30-19h, le samedi sur rendez-vous.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°212 du 1 avril 2005, avec le titre suivant : L’avant-garde russe à Matignon

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