Espagne - Foire & Salon

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L’art vidéo, ça bouge

Par Anne-Cécile Sanchez · L'ŒIL

Le 16 avril 2014 - 1200 mots

BARCELONE / ESPAGNE

Début juin se tient à Barcelone la 12e édition de Loop, à ce jour la seule foire dédiée à l’image animée, qui réunit une quarantaine de galeries internationales.

Loop est une petite foire : à l’échelle d’un public d’amateurs encore limité, selon Jean-Conrad Lemaître, président du comité de sélection, qui souligne que la taille de l’événement permet de « ne pas être englouti » par les images. Que voit-on à Loop ? Des pièces aussi différentes que Onement Two de Kota Ezawa, d’une durée d’une minute, montrée pour la première fois par la Galerie Christopher Grimes (Santa Monica, Californie), ou Dérives, œuvre générative, infinie, d’Émilie Brout et Maxime Marion, présentée par la galerie parisienne 22,48 m². Une diversité qui rend compte de l’intérêt des artistes pour ce médium auquel ils ont de plus en plus recours, comme en ont témoigné les récentes expositions de Pierre Huyghe au Centre Pompidou et Philippe Parreno au Palais de Tokyo ; preuve aussi que les institutions accordent de plus en plus de place à l’art vidéo – ainsi de Pretty Much Every Film and Video Work from about 1992 Until Now, une installation spectaculaire de Douglas Gordon présentée dans les collections permanentes du Musée d’art moderne. Sans parler des rétrospectives consacrées à des artistes vidéastes majeurs – Steve McQueen au Schaulager de Bâle l’été dernier, Bill Viola au Grand Palais jusqu’au 21 juillet.

Le marché, lui, exception faite de quelques records (Bruce Nauman, William Kentridge, Matthew Barney…), reste encore timide. Le 29 janvier dernier s’est ainsi tenue à Paris avec un succès mitigé la première vente spécialisée – les enchères ont plafonné à 15 000 euros. Qu’achète-t-on aujourd’hui lorsqu’on achète de l’art vidéo ? Une œuvre par essence immatérielle, délivrée sous la forme d’un « master » numérique et d’un nombre limité d’éditions dont l’authenticité est garantie par un certificat signé de l’artiste. Car « la vidéo, comme de nombreuses créations contemporaines, ne se réduit pas à ses supports physiques », souligne Judith Ickowicz, auteure du livre Le Droit après la dématérialisation de l’œuvre d’art (Les Presses du Réel). Cela explique que l’on puisse accéder en streaming (lecture seule) pour 14,99 euros à Furtivo de Xavier Veilhan et Sébastien Tellier, au catalogue de Collectorserie, une application disponible sur l’App Store d’Apple, alors même que l’œuvre originale est à plusieurs milliers d’euros en galerie. « Dans un cas, souligne Judith Ickowicz, la personne achète le droit de voir l’œuvre, mais ne peut pas la vendre, tandis que celui qui acquiert l’original ou une édition limitée devient également propriétaire des droits d’exploitation tels qu’ils sont définis par l’artiste. » Bill Viola stipule ainsi que ses vidéos ne doivent pas être montrées par deux musées en même temps. Une façon de garder le contrôle de son œuvre.

Bruce Nauman
Figure majeure de l’art contemporain, Bruce Nauman s’intéresse à la condition humaine et à ses failles. Comme avec cette installation vidéo en deux parties Coffee Spilled, d’une durée de 44 min et 15 s, et Balloon Dog, 41 min et 25 s, qui se déroulent simultanément sur deux écrans différents et évoquent de façon déconcertante la notion d’échec. Cette œuvre fut montrée lors de la 53e Biennale de Venise, en 2009, où Bruce Nauman reçut le Lion d’or de la meilleure représentation nationale pour le pavillon des États-Unis.

Bruce Nauman, Coffee Spilled and Balloon
Dog, deux écrans vidéo en couleurs, deux lecteurs DVD, deux DVD (two color video monitors, two laserdisc players, two laserdiscs). Vendue 485 000 dollars chez Christie’s à New York le 12 novembre 2013 lors d’une vente d’art moderne et contemporain au Rockefeller Plaza.

Christian Marclay
The Clock est une œuvre audiovisuelle d’une durée de 24 heures. Composée à partir de milliers d’extraits de films, elle indique l’heure en temps réel dans chacun des lieux où elle est présentée. En 2011, The Clock a constitué un des événements de la 54e Biennale de Venise où Christian Marclay s’est vu décerner le Lion d’or du meilleur artiste. Elle a fait l’objet d’un achat conjoint du Centre Pompidou, du Musée national d’art moderne de Paris, de l’Israel Museum de Jérusalem et de la Tate de Londres. On pourra la voir pendant deux mois au Centre Pompidou du 17 mai au 2 juillet 2014 à l’espace 315. Le 17 mai 2014 ainsi que le 21 juin, elle sera en accès libre pendant 24 heures dans le cadre de la Nuit des musées et à l’occasion de la Fête de la musique.

Bill Viola
Bill Viola, auquel le Grand Palais consacre une rétrospective jusqu’au 21 juillet, est, avec Nam June Paik, sans doute le représentant le plus connu de l’art vidéo, qu’il inscrit dans l’histoire de l’art en faisant explicitement référence aux grands maîtres, de Jérôme Bosch à Goya en passant par Giotto. La dimension métaphysique est également très présente dans son travail comme avec ces images en dityque de cérémonie purificatrice par l’eau.
Bill Viola, Ablutions, diptyque vidéo en couleurs sur écran plasma présenté verticalement sur un mur. Édité à sept exemplaires plus une épreuve d’artiste. Vendue 181 250 £ le 10 octobre 2012 lors d’une vente d’art contemporain chez Phillips Londres.

Giraud et Siboni
Présente sur la foire Loop, la galerie parisienne Loevenbruck y montre une œuvre de Fabien Giraud et Raphaël Siboni. Intitulée Bassae Bassae, cette œuvre a été montrée dans le cadre de « The Unmanned », l’exposition monographique consacrée cette année aux artistes au Casino Luxembourg. Bassae est un temple de la Grèce antique situé dans les montagnes du Péloponnèse ; c’est également une œuvre cinématographique réalisée par Jean-Daniel Pollet en 1964. Depuis 1987, le temple de Bassae, qui doit faire l’objet d’une restauration, est recouvert d’une grande tente blanche : il est invisible au regard.

Fabien Giraud et Raphaël Siboni, Bassae Bassae, 2014, film 35 mm, 9 min, présenté à Loop dans un format numérique. Édition de 5. Galerie Loevenbruck. Prix de vente : 15 000 €.

Jean-Conrad Lemaître président du Comité de sélection de Loop

Questions à…

Pourquoi vous intéressez-vous à l’art vidéo ? Avec mon épouse Isabelle, nous avons d’abord collectionné les gravures. Puis nous nous sommes intéressés à la peinture, à la sculpture, à la photographie et, enfin, à la vidéo. Cela s’est produit naturellement, en suivant les artistes qui, à partir des années 1990, ont été très nombreux à recommencer à utiliser ce médium.
Quel est votre rôle à la tête du comité de sélection de Loop ? Le comité est garant de la qualité des galeries et des artistes qu’elles présentent à Loop où, chaque année, environ la moitié des œuvres présentées sont inédites. Il s’agit d’une petite foire et son concept très original – elle est installée dans un hôtel où chaque galerie occupe une chambre et y présente une seule vidéo – offre des conditions de visionnage idéales. L’art vidéo touche un public encore limité de collectionneurs. Pourquoi selon vous ? La dématérialisation du support de l’œuvre constitue sans doute l’une des raisons. Pourtant, il faut savoir que lorsqu’on achète une vidéo, la galerie fournit un certificat signé de l’artiste. La question de la conservation des œuvres peut aussi constituer un frein à l’achat, mais il existe de nombreux labos très qualifiés qui accompagnent les collectionneurs.

« Loop Fair »

Les 5, 6 et 7 juin 2014. Hotel Catalonia Ramblas, c. Pelai 28, 08001 Barcelone (Espagne)
Tarifs : de 5 à 15 €
loop-barcelona.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°668 du 1 mai 2014, avec le titre suivant : L’art vidéo, ça bouge

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