L’art français, un mauvais investissement ?

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 23 juin 2006 - 497 mots

Français et Britanniques sont réputés pour se regarder en chiens de faïence. Organisée de juin à décembre par l’ambassade de France à Londres et la nouvelle agence CulturesFrance [ex-AFAA, Association française d’action artistique], l’opération « Paris Calling » se pose en trait d’union. Pour les initier aux artistes hexagonaux, les ordonnateurs de l’événement ont proposé aux galeries et musées anglais des voyages d’étude. Face à « l’inconnu », certains participants ont toutefois joué la carte du risque minimum. Le galeriste Anthony Reynolds ne s’est guère montré aventurier en présentant Erik Dietman, un artiste décédé qu’il a précédemment exposé à deux reprises. Idem pour la Whitechapel Gallery, qui a opté pour le défunt Pierre Klossowski, un projet déjà inscrit sur les tablettes du centre d’art londonien. De même le marchand Timothy Taylor a-t-il misé sur le confort en programmant un artiste de sa galerie, Jean-Marc Bustamante.

Les Français sous-estimés
Les références des galeries londoniennes concernant la scène française s’arrêtent souvent aux années 1980-1990, décennies qui ont vu émerger les Young British Artists. Si une génération a été sacrifiée sur l’autel de l’ignorance – ou de l’impuissance –, si Bertrand Lavier est méconnu à Londres alors même qu’il a exposé voilà vingt-cinq ans à la Lisson Gallery, la donne commence timidement à changer. Les jeunes enseignes anglaises ne connaissent pas nécessairement Christian Boltanski, mais visualisent parfaitement l’écurie de la galerie Chez Valentin. Étrangement, certaines structures fraîches émoulues ont même intégré des artistes issus de galeries françaises beaucoup plus établies ! Ouverte depuis 2005, Blow de la Barra exposait en mai Matthieu Laurette, puisé chez Yvon Lambert. Âgée aussi d’un an, la galerie Bischoff/Weiss propose en octobre Tatiana Trouvé, à l’affiche chez Georges-Philippe et Nathalie Vallois.
Certains assument une vraie francophilie, comme Museum 52, dont la liste recense Laurent Grasso, Alain Declercq et Pierre Ardouvin, ce dernier étant présenté en novembre dans le cadre de « Paris Calling ». Codirecteur de cette galerie, Matthew Dipple a commencé à franchir la Manche depuis deux ans. « La scène française était sous-estimée, ce qui est injuste, observe-t-il. Peut-être à cause du soutien institutionnel français aux artistes. Peut-être qu’à Londres et à New York il y a une urgence à vouloir être international, tandis qu’en France existe une très grande identité nationale. » Les collectionneurs britanniques ne se posent pas réellement la question de la nationalité, comme le remarque Vanessa Suchar, du Salon For Art Collectors, qui exposera Emmanuelle Villard en octobre. « Ceux qui veulent investir pensent que l’art français n’est pas un bon investissement », déplore pourtant Matthew Dipple. Un constat qui ne l’a pas empêché de vendre une vidéo d’Alain Declercq et une autre de Laurent Grasso à deux amateurs anglais. Pour sa consœur Raphaëlle Bolloré-Weiss, les artistes français étaient méconnus, faute d’être présents dans les foires internationales. Peut-être qu’à l’occasion de sa participation en octobre à la FIAC, la très branchée Sadie Coles daignera regarder le vivier hexagonal. Peut-être même y découvrira-t-elle quelques nouveaux poulains. On peut toujours rêver !

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°240 du 23 juin 2006, avec le titre suivant : L’art français, un mauvais investissement ?

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