ShContemporary, Shanghaï

L'art en périphérie

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 15 décembre 2006 - 495 mots

Depuis quelques années, les acteurs du marché arpentent les périphéries dans l’espoir d’y trouver de nouveaux artistes et collectionneurs. Des foires comme « ShContemporary », organisée du 6 au 9 septembre 2007 à Shanghaï (Chine), ou « Gulf Art Fair », prévue du 8 au 10 mars 2007 à Dubaï (Émirats arabes unis), s’inscrivent dans cette logique. Passé l’effet de curiosité dont elles bénéficieront pour leur première édition, ces deux événements devront offrir une qualité suffisante pour s’imposer comme un rendez-vous régulier.
Dirigée par le marchand genevois Pierre Huber et l’ancien mentor de la Foire de Bâle, Lorenzo Rudolf, ShContemporary prévoit une rencontre des élites économiques asiatique et occidentale autour d’un banquet artistique. Pour montrer le meilleur de la création en Asie du Sud-Est, ils misent sur un réseau d’artistes prescripteurs comme Zhou Tiehai en Chine et Subodh Gupta en Inde. Une prospective plutôt ardue. « Il y a dix ans, je trouvais l’art chinois horrible. Mais les choses évoluent en Chine plus vite qu’ailleurs. La notion de moyen et long terme n’est pas la même qu’en Europe, observe Pierre Huber. Il faut laisser le podium à des artistes d’une autre région du monde, ne pas faire un ghetto dans un ghetto. Dans les dix prochaines années, mille cinq cents musées vont se construire. Il faudra y mettre quelque chose. » Même si les organisateurs n’entendent pas lésiner sur la qualité, ils devront s’accommoder de la censure chinoise...

Symboles et emprunts
Si ShContemporary compte puiser la majorité de ses artistes en Asie, la Gulf Art Fair ne consacrera que 20 % de son contingent d’artistes au Moyen-Orient. Ce qui ne l’exempte pas de contraintes. « Les artistes, galeries et les espaces d’exposition, même étrangers, se trouvent dans l’obligation de pratiquer une autocensure permettant une marge de liberté assez réduite dont le moindre dépassement peut susciter des problèmes graves et des animosités », indique Saleh Barakat dans l’ouvrage Créations artistiques contemporaines en pays d’Islam (1). D’où l’inspiration générale de la foire, plus portée sur des œuvres minimalistes et abstraites. Comme pour certaines productions asiatiques, on peut grimacer devant la qualité de quelques artistes du Moyen-Orient. « Très peu d’intérêt est montré pour les arts conceptuels, alternatifs et les nouvelles formes d’expression artistiques d’aujourd’hui par défaut d’ouverture, même si l’initiative de la Biennale de Sharjah [Émirats arabes unis], entièrement consacrée dans ses deux dernières éditions aux pratiques contemporaines, a suscité un certain enthousiasme et beaucoup d’espoir de voir cette impulsion assurer un lien entre la création arabe et le marché international », poursuit Saleh Barakat. Le critique d’art Tirdad Zolghard rappelle pour sa part que des artistes iraniens sont encore figés dans un système de symboles et de paraboles ou bien d’emprunts aux artistes occidentaux des années 1970. N’est-il alors pas prématuré de livrer sur le marché des créateurs en quête d’identité ? Une question qui vaut par ailleurs pour des artistes occidentaux, propulsés en deux temps trois mouvements dans les grandes foires internationales.

(1) Éditions Kimé, 2006.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°249 du 15 décembre 2006, avec le titre suivant : L'art en périphérie

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