L’art d’Orient dopé par le golfe Persique

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 9 octobre 1998 - 562 mots

La vente d’art d’Orient organisée les 25 et 26 septembre par l’étude de Ricqlès a produit un total de près de 16 millions de francs, frais compris. Les pièces de qualité exceptionnelle, tel un plateau circulaire en laiton des XIIIe-XIVe siècles adjugé 4,1 millions de francs, ont réalisé des prix élevés, dopés principalement par des enchérisseurs du golfe Persique.

PARIS - “Gloire à notre maître le sultan Al-Malik al-Nâsir, le savant, l’agissant, le guerrier, le combattant de la foi, l’assisté des dieux...” Cette inscription orne le bandeau périphérique d’un immense plateau en laiton incrusté d’argent et ciselé, exécuté pour le sultan al-Nâsir Muhammad Ibn Qalâwûn qui régna pendant près d’un demi-siècle, de 1294 à 1341. Pièce vedette de la collection du comte Odon de Toulouse-Lautrec, ce plateau mamelouk de 110 cm de diamètre, pesant 17 kg, avait été exposé à Paris au Pavillon de Marsan, en 1903, par l’Union centrale des arts décoratifs. Il a été adjugé 4,1 millions de francs, frais inclus, plus de trois fois l’estimation haute. “C’était une estimation d’amorce. Si l’on avait indiqué un prix plus élevé, nous n’aurions pas eu de clients, indique l’expert Jean Soustiel. En outre, cette pièce, certes unique, avait en grande partie perdu ses incrustations d’argent. Nous ne savions pas comment les collectionneurs réagiraient face à ce défaut. Le plateau a finalement été adjugé au profit d’un collectionneur privé du golfe Persique. Les objets de qualité muséale sont toujours très convoités, quelles que soient les circonstances économiques”.

Un grand chandelier au bandeau en coufique ornemental a, lui aussi, presque triplé son estimation basse. Cet objet d’art mamelouk du XIVe siècle en laiton incrusté d’argent et ciselé, provenant du sud de l’Anatolie, est parti à 310 000 francs, frais inclus. Plus tardif (XVIe siècle), un grand flambeau en laiton moulé pouvant provenir de l’Inde moghole a été adjugé 288 000 francs, frais inclus, à un collectionneur du Golfe qui enchérissait contre un Européen.

Préemption du Petit Palais
Parmi les autres pièces dispersées n’appartenant pas à la famille Lautrec, l’enchère la plus haute est allée à une coupe en céramique à pâte argileuse (IXe siècle), à décor à reflets métalliques polychromes, représentative de l’art des potiers islamiques, enlevée à 610 000 francs. Cette composition d’art abbasside aux tons chamois, jaune vert et brun rougeâtre présente en son centre un décor à palmettes, flanquée de deux branches fleuries, l’ensemble se détachant sur un fond de nuages. “Cette pièce était digne d’être exposée dans un musée, poursuit Jean Soustiel. Il est très satisfaisant de constater que des objets de prestige créent une émulation entre les enchérisseurs”. En revanche, un Moraqq’a impérial estimé 600-800 000 francs – un ensemble de calligraphies de maîtres arabes commandé par l’empereur moghol Jahângir – a dû être retiré de la vente. “Les enchères sont montées jusqu’à 520 000 francs mais n’ont pas atteint le prix de réserve fixé à 650 000 francs”, explique l’expert.

La seconde partie de la vacation, le 26 septembre, comprenait des objets d’archéologie, dont un torse acéphale en marbre blanc de la déesse Aphrodite nue, datant de la période hellénistique ou romaine (Ier siècle av.-Ier siècle apr. J.-C.). Cette pièce importante, au dos semblable à une odalisque ingresque, s’est vendue 887 000 francs, tandis qu’une statuette en bronze représentant la déesse Isis-Aphrodite, les yeux incrustés de pierres, était préemptée à 500 000 francs par le Musée du Petit Palais.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°68 du 9 octobre 1998, avec le titre suivant : L’art d’Orient dopé par le golfe Persique

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