L’âme d’un château normand

La collection du marquis de Bailleul sera vendue à Paris

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 24 septembre 1999 - 579 mots

Une exceptionnelle tenture, dite des Arts libéraux, exécutée à Bruges dans la seconde moitié du XVIIe siècle, une paire de colonnes antiques d’époque romaine en marbre, des statuettes en terre cuite du sculpteur Philippe Bertrand sont quelques-unes des plus belles pièces des anciennes collections du marquis de Bailleul, qui seront dispersées les 16 et 18 octobre à Drouot par l’étude De Ricqlès. Huit cents lots seront mis en vente pour une estimation totale avoisinant les 8 millions de francs.

PARIS - Blotti au cœur d’une clairière dans le pays de Caux, le château de Bailleul, qui pourrait être l’œuvre de Jacques Androuet du Cerceau, a été achevé en 1543. Ses propriétaires, issus d’une noblesse de robe, ont marqué la vie politique de l’époque, tel Nicolas de Bailleul qui a représenté le roi Louis XIII aux États de Bretagne et de Normandie. Restauré à la fin du XIXe siècle, le château a été entièrement réaménagé et meublé à cette époque par Raymond de Bailleul.

Les quatre tapisseries de la suite des Arts libéraux qui seront mises aux enchères témoignent du soin qu’il portait à ses achats. Elles ont été réalisées à Bruges d’après des cartons de Cornelis Shut (1597-1655), apprenti dans l’atelier de Rubens avant de devenir maître à la Guilde de Saint-Luc, à Anvers. Ces cartons, réalisés autour de 1631, de retour d’un long séjour en Italie, représentaient les sept arts libéraux : la grammaire, la dialectique, la rhétorique, l’arithmétique, la géométrie, la musique et l’astrologie. Dans la tapisserie évoquant le premier (372 x 294 cm), La Grammaire est personnifiée par une femme assise sur une estrade, regardant le livre que lui présente une jeune fille (200-300 000 francs). La Rhétorique (418 x 380 cm) est figurée sous les traits d’une vierge aux bras nus, la poitrine couverte d’une armure, écrasant sous son pied un petit enfant incarnant la paix (400-600 000 francs). Un groupe de musiciens et de chanteurs – dont une joueuse de luth – représente La Musique (388 x 483 cm), instrument de concorde (400-600 000 francs). L’Apothéose des sept arts libéraux, la plus importante de la série (380 x 555 cm), est surmontée d’un cartouche portant l’inscription Artes deprimit bellum quibus sustenitur – “la guerre opprime les arts par qui elle est soutenue” (500-700 000 francs).
L’ensemble comprend également des sculptures, comme cet Amour endormi par Jean-François Lorta (1752-1837), signé et daté sur la plinthe aux pieds de l’enfant (60-80 000 francs), et une paire de statuettes en terre cuite de Philippe Bertrand (50-60 000 francs). Le philosophe grec Démocrite est représenté le visage souriant, debout aux côtés d’une mappemonde illustrant son goût pour les voyages. Héraclite, sous les traits d’un vieillard torturé, la tête penchée et les sourcils froncés, est montré pleurant de tout. “Le monde, disait-il, n’a été créé par aucun des dieux ni par aucun des hommes. Il a toujours été, il est et il sera un feu éternellement vivant, s’allumant et s’éteignant selon la loi”. Une paire de colonnes d’époque romaine à fût cylindrique, en marbre “cipolin” veiné de vert pâle et de gris bleuté (haut. 215 cm ; diam. 40 cm), est proposée à 150-200 000 francs.

La vente comprend encore des tableaux anciens, telle une Vanité aux instruments de musique et à l’horloge d’Antonio Gianlisi Le Jeune (150-200 000 francs), des dessins anciens (200 à 8 000 francs) et des cadres, comme cette paire en bois sculpté et doré présentant une miniature octogonale traitée en grisaille (60-80 000 francs).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°89 du 24 septembre 1999, avec le titre suivant : L’âme d’un château normand

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