XXe siècle

L’âme de Laurens

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 19 novembre 2004 - 547 mots

Une grande exposition tente de redonner sa place à l’artiste proche de Braque.

 PARIS - Près de 200 pièces, dont le tiers est issu de collections privées, retracent le parcours d’Henri Laurens (1885-1954), sculpteur ornemaniste de formation qui s’est essayé à tous les médiums mis à part la peinture. Par le biais d’une exposition déployée dans ses espaces du quai Voltaire et de la rue de Beaune, la Galerie Berès souhaite offrir une vision complète de l’artiste, trop souvent réduit à son étiquette de cubiste. La différence de présentation et d’atmosphère des deux lieux révèle le classicisme – dans le sens positif du terme – de l’œuvre de Laurens, à l’aise au sein des boiseries et tentures du quai Voltaire comme dans les murs blancs et la lumière vive de la rue de Beaune.

« Le corps d’une pensée »
Pour la galeriste Anisabelle Berès, Henri Laurens « n’est pas un suiveur, il a écouté, regardé et longtemps examiné le cubisme avant de se lancer. C’est parce qu’il était très réfléchi qu’il a su garder son originalité ». De son côté, le critique Maurice Raynal décrit l’œuvre de Laurens comme « une force vive qui ne parle pas ». Silencieux, discret, sensible... autant de qualificatifs qui n’expliquent pas nécessairement la faible notoriété de l’artiste, bien représenté dans les collections publiques malgré l’ombre que lui ont fait Pablo Picasso et Georges Braque.
Le style d’Henri Laurens reste reconnaissable en dépit des variations. Des premiers papiers collés de 1914 aux gouaches du début des années 1950, son œuvre évolue sans se perdre. Fortement influencé par ses camarades de Montparnasse, Laurens adopte la vision éclatée et les thèmes du cubisme (Bouteille, verre et journal, 1918), qu’il décline en reliefs de bronze ou de terre cuite polychrome (Tête de boxeur, 1920), voire en rondes-bosses en bronze ou en terre cuite (Femme en chemise, 1921). Le style est carré, la ligne élégante. Mais l’artiste effectue un véritable retour à l’antique vers 1929, date d’un long voyage en Italie : les formes naturalistes tant méprisées réapparaissent. Ainsi la série de gouaches de couleur ocre (Femme à la draperie, vers 1930) fait-elle directement référence aux motifs noir et rouge des vases grecs. L’évolution de la femme drapée, un de ses sujets de prédilection, est emblématique de cette nouvelle direction. La sévérité des angles s’adoucit et le corps de la femme prend soudain des formes… féminines (Femme accroupie à la draperie, 1932). Une charmante série de sirènes témoigne du nouveau désir de grâce et de légèreté de Laurens (Ondine, 1932). Dès lors, le sculpteur s’installe dans une rondeur qu’il ne quittera plus, même lorsqu’il abordera plus tard le travail de bijoutier (Plaque aux sirènes, pendentif en or, vers 1951) et d’illustrateur d’ouvrages (Les Idylles de Théocrite, 1945). Et l’artiste de décrire sa démarche créatrice : « La forme, si parfaite soit-elle, n’est jamais un but, elle n’est que le corps d’une pensée, d’une pensée si épurée, et si épandue qu’elle pourrait bien s’appeler une âme. »

HENRI LAURENS

Jusqu’au 7 janvier 2005, Galerie Berès, 25, quai Voltaire et 35, rue de Beaune, 75007 Paris, tél. 01 42 61 27 91, tlj sauf dimanche 10h-19h. Catalogue édité par la galerie, 320 p., 60 euros, ISBN 2-902868-14-6. Œuvres proposées entre 7 000 euros (lithographie) et 900 000 euros (bronze monumental).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°203 du 19 novembre 2004, avec le titre suivant : L’âme de Laurens

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque