Rossini

La vente Pierre Miquel en dents de scie

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 16 avril 2004 - 773 mots

Succès intégral pour l’ensemble de Paul Huet mais les résultats pour le paysage XIXe classique ont été inégaux.

 PARIS - La déferlante de plus de 1 000 pièces issues de la collection Pierre Miquel a reçu un bel accueil du 30 mars au 3 avril, avec un produit de près de 2 millions d’euros et un taux d’invendus assez modeste de 17,7 %. Les enchérisseurs, en majorité des particuliers, se sont pourtant montrés très sélectifs. Délaissant le paysage classique, ils ont surtout plébiscité l’artiste Paul Huet.
Lors de la première session consacrée aux précurseurs du paysage, le public a boudé les dessins XVIIe et XVIIIe, notamment de jolies figures d’Académie. Sans doute ne pensait-il pas trouver de tels spécimens dans la collection d’un homme dont la vie était dédiée au paysage. En revanche, les tableaux de Jean-Victor Bertin ou de Georges Michel ont très bien tiré leur épingle du jeu. Un Paysage d’Auvergne d’Achille-Etna Michallon, modestement estimé 5 000- 8 000 euros, a grimpé à 78 000 euros. La deuxième section, un des noyaux durs de la vente, était consacrée au paysage romantique et à l’école de Barbizon. Attentiste, la salle butait presque systématiquement sur l’estimation basse. Un des plus jolis lots, le Rageur, cavalier sous l’orage de Théodore Rousseau, s’est essoufflé à 52 000 euros. Le Saint Jérôme par Eugène Delacroix, plutôt disgracieux, a été ravalé à 34 000 euros sur une estimation corsée de 40 000-60 000. En revanche, un Paysage aux rochers rouges d’Octave Penguilly-l’Haridon, le tableau le plus lumineux de la vacation, a grimpé à 20 500 euros en faveur de la galerie Talabardon & Gautier, au grand dam du marchand Antoine Laurentin, le sous-enchérisseur immédiat. « Ce tableau, dont le titre exact est Les Rochers du grand-paon, île de Bréhat, avait été exposé lors du Salon de 1861. Il appartenait à Léonce Reynaud qui avait construit le phare de l’île », précise le galeriste Bertrand Gautier. En mauvais état mais assez magique, un Clair de lune sur la mer de Jules Dupré a obtenu 15 500 euros, triplant sa mise. Les pièces d’Auguste Ravier s’en sont bien sorties en dépassant leurs estimations. « On a pu observer une vraie évolution du goût sur le XIXe. Les clients préfèrent les pièces plus claires, plus décoratives. J’ai été étonné par certains résultats, notamment celui du Rageur, un tableau pourtant important », observe l’expert Michel Maket.
Le rythme de la troisième journée, consacrée à Paul Huet, était nettement plus enlevé. Les amateurs étaient séduits par la provenance, l’ensemble venant pour une bonne part de la famille de l’artiste. C’est un particulier qui a emporté l’Étude de mer de la Manche, 1861, d’une veine presque impressionniste, pour la somme de 32 000 euros, quatre fois son estimation. Les aquarelles ont presque toutes étaient soufflées en triplant les prévisions. « C’est une vraie consécration publique pour cet artiste », s’enflamme la commissaire-priseur Pascale Marchandet. Les deux dernières vacations, la queue de la comète, se sont bien déroulées, avec une intervention du Musée du Louvre pour une aquarelle attribuée à Jules Robert Auguste, Portrait présumé du comte Démétrius Palatiano, préemptée pour 1 800 euros. Devant cette quantité d’œuvres originales, les estampes, souvent invendues, ont fait pâle figure.
Comme dans toute dispersion-fleuve où l’attention s’émousse au fil des lots, on pouvait relever un quota de bonnes affaires. C’est le cas du joli Rochers et mer bleue d’Auguste Paul Charles Anastasi, décroché pour 3 800 euros. La réflexion vaut aussi pour la Tentation de saint Antoine, une très belle esquisse à l’huile d’Eugène Isabey emportée pour 9 500 euros par une personne privée dans la salle. On s’étonne d’ailleurs que, à ce prix, le Musée d’Orsay, qui possède le tableau final, ne l’ait pas préemptée. Idem pour la Cathédrale de Rouen par Paul Huet, certes restaurée et un peu endommagée, qui a stagné au ras de l’estimation basse à 20 000 euros. Le Musée des beaux-arts de Rouen, qui achetait des pièces plutôt anecdotiques, n’a pas cillé devant cette huile pourtant circonstancielle. Le Musée du Petit Palais, à Paris, est intervenu à six reprises, notamment pour un Portrait de Ziem par Adolphe Monticelli, adjugé pour 11 500 euros, soit quatre fois son estimation, et plusieurs aquarelles de Paul Huet. « Dans les dessins de Huet, j’ai essayé de favoriser les formats panoramiques, de grande dimension. On a acheté par exemple les Ormes à Saint-Cloud en écho au tableau et aux trois dessins à la plume qu’on possède déjà », précise José-Luis de Los Llanos, conservateur au Musée du Petit Palais. L’immobilisme des marchands sera sans doute compensé par de nombreuses aftersales, modifiant ainsi la donne finale.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°191 du 16 avril 2004, avec le titre suivant : La vente Pierre Miquel en dents de scie

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque