La saison Akram Ojjeh

Sa collection sera dispersée de novembre à décembre

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 8 octobre 1999 - 700 mots

Plus de 200 tableaux, meubles et objets d’art qui ornaient l’appartement parisien de l’homme d’affaires saoudien Akram Ojjeh seront dispersés par Christie’s à New York, Monaco et Londres, entre le 1er novembre et le 17 décembre. Cette exceptionnelle collection, réunie dans les années soixante, comprend des œuvres signées Van Gogh, Monet, Van Dongen et Fragonard, ainsi que des meubles estampillés de grands ébénistes, tels Leleu et Carlin.

NEW YORK - “Je viens de t’envoyer aujourd’hui encore neuf croquis, d’après des études peintes. De cette façon, tu verras des motifs de cette nature qui inspire le père Cézanne... Sachant combien tu aimes Cézanne, j’ai pensé que ces croquis de Provence pourraient te faire plaisir ; non pas qu’il y ait des similitudes entre un dessin de moi et de Cézanne... mais moi aussi j’aime bien le pays qu’ils ont aimé tant pour les mêmes raisons de couleur, de dessin logique.” Cette lettre, écrite par Vincent Van Gogh en juin 1888 et adressée à Émile Bernard, est accompagnée d’un croquis au crayon et à l’encre du tableau Le Pont de Trinquetaille, une des œuvres phares de la collection Akram Ojjeh qui sera mise aux enchères le 8 novembre à New York (20 millions de dollars, 125 millions de francs). Exécuté à Arles entre juin et juillet 1888, il représente le pont de fer construit en 1875 pour relier Arles au faubourg de Trinquetaille. Hymne à la couleur, l’œuvre est représentative des peintures de Vincent à Arles, aux thèmes modernes et urbains : gamins des rues ou des usines, raffineries, femmes lavant leur linge. Envoyé à son frère au printemps 1889, le tableau fut expédié à Amsterdam à la mort de Theo et confié à sa veuve Johanna Van Gogh.

Comme le Van Gogh, Le Coucher de soleil à Lavancourt peint par Monet en 1880 devrait déclencher une belle bataille d’enchères (1,5-2,5 millions de dollars). Il se rapproche d’Impression soleil levant (1873) qui a donné son nom au mouvement impressionniste. Au centre du paysage rose et bleu, enveloppée d’un halo de brume, une boule rougeoyante se reflète à la surface de l’eau. Un grand tableau de Kees Van Dongen ayant appartenu au couturier parisien Paul Poiret sera également mis en vente. Comedia (Montparnasse blues), exécuté dans les années vingt, représente deux femmes élégantes accompagnées de leurs cavaliers (500-800 000 dollars). Des œuvres majeures de Corot, Degas, Pissarro, Fantin-Latour, Sisley et Maillol seront aussi au programme de la vacation de tableaux impressionnistes et du XIXe siècle des 8 et 9 novembre. Quelques jours plus tôt, le 1er novembre, auront été proposés vingt-cinq tableaux orientalistes incluant des œuvres de Ludwig Deutsch et Rudolph Ernst, ainsi qu’un bronze de Charles-Henri-Joseph Cordier, Prêtresses d’Isis jouant de la harpe (160-220 000 dollars). La dispersion, étalée sur un mois et demi, s’achèvera le 17 décembre avec un ensemble de tableaux anciens, dont une étude du chef-d’œuvre de Jean-Honoré Fragonard conservé au Louvre, Le Verrou (1,5-2 millions de dollars), et des toiles de Bruegel le Jeune et Nicolas Colombel.

“On ne construit pas une collection pour l’éternité”
La collection Akram Ojjeh est étroitement associée au mobilier français du XVIIIe siècle. Déjà en 1985, dans une vente de Christie’s à Monaco, figuraient plusieurs meubles appartenant au milliardaire saoudien. Sa veuve souhaite aujourd’hui se séparer de l’ensemble. “On ne construit pas une collection pour l’éternité. Mon mari me disait toujours que ces œuvres ne nous appartiendront jamais qu’un instant, et qu’il faudra savoir les faire partager un jour. Pour ma part, j’ai décidé de découvrir de nouveaux horizons et de commencer une nouvelle collection qui sera, je l’espère, à la hauteur de celle-là.” Parmi les meubles vedettes, on notera deux commodes Louis XVI – l’une estampillée Jean-François Leleu, ornée de plateaux en placage d’amarante et de bois satiné sur fond de sycomore (2-2,8 millions de dollars), l’autre à encoignures, en placage d’ébène et panneaux de pierres dures du XVIIe siècle (2,5-3,8 millions de dollars), portant l’estampille d’Adam Weisweiler et celle de Martin Carlin découverte ultérieurement par les experts de Christie’s –, ainsi qu’une suite de mobilier Louis XVI comprenant une commode, un secrétaire et une paire d’encoignures estampillée Jean Riesener, qui provient de la collection de la reine Hortense (2-2,8 millions de dollars).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°90 du 8 octobre 1999, avec le titre suivant : La saison Akram Ojjeh

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