La ruée vers l’Est

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 28 mai 2004 - 605 mots

Le premier salon d’antiquaires internationaux qui se tiendra à Moscou du 31 mai au 7 juin attise les espoirs des marchands.

 MOSCOU - À l’Est du nouveau ? C’est du moins ce qu’espère la vingtaine d’exposants du Moscow World Fine Art Fair qui se tiendra du 31 mai au 7 juin au palais Dolgorukov. Concocté par le Suisse Yves Bouvier, discret président de la société de transport d’œuvres d’art Natural Lecoultre, en lien avec l’artiste Zurab Tsereteli, président de l’Académie des beaux-arts de Moscou, ce salon offre un exutoire aux antiquaires en mal de clientèle. N’oublions pas que c’est un Russe qui a rapatrié les œufs de Fabergé de la collection Forbes. C’est encore un Russe qui a emporté la quasi-totalité de la vente Johnson chez Sotheby’s à Paris en octobre 2003. Les Américains tardant à revenir sous les cieux européens, les marchands prennent leur bâton de missionnaires. C’est la France de Diderot qu’on essaye d’exporter vers la Russie, laquelle n’est pourtant plus celle de Catherine II mais le Far West des oligarchies. « En dehors des salons de beauté et des magasins de vêtements, beaucoup d’antiquaires ont ouvert à Moscou. C’est symptomatique d’une société qui a vécu sous une chape totalitaire. Les gens ont besoin d’une nouvelle image », insiste l’antiquaire Nicolas Kugel, qui n’expose pas mais reste consultant. Cette aventure, la jeune génération des Rossi, Perrin et Segoura (Paris) la mène sous le regard tutélaire de leurs aînés. Les poids lourds comme Jan Krugier (Genève) ou la Marlborough Gallery (Londres) répondent aussi à l’appel.
On pourrait craindre que les antiquaires traitent cette nouvelle clientèle avec nonchalance, comme ce fut le cas pour le Moyen-Orient, en envoyant une qualité moyenne rehaussée de dorures tapageuses. « Je les ai prévenus, il ne faut pas prendre les Russes pour des gogos. Ils connaissent et sont très, très méfiants. En plus, ils négocient âprement », indique le décorateur Patrick Hourcade, l’un des maîtres d’œuvre du projet.
Chacun y va de sa conception du « goût russe ». Pour éviter les déconvenues, ligne droite Louis XVI et rigueur de l’Empire sont au rendez-vous. Le galeriste Franck Laigneau (Paris) arbore un cabinet en fonte et métal argenté à décor néo-Renaissance pour 70 000 euros. Marella Rossi déploie un régulateur de Roentgen pour 400 000 euros et un bureau Empire de « Jacob Frères, rue Meslée » pour 500 000 euros. La Parisienne Flore de Brantes, qui partage son stand avec Alain Demachy, présente un lustre Empire en cristal et bronze doré pour 70 000 euros. La galerie Cazeau-La Béraudière (Paris) caresse ses hôtes dans le sens du poil avec une pléiade de peintres russes, de Soutine à de Staël. Idem pour Le Minotaure (Paris) qui prévoit un tableau de Serge Charchoune. « Je leur ai déconseillé de présenter trop de Chagall car il y en a déjà beaucoup en Russie », note Patrick Hourcade. Plusieurs marchands, notamment de tableaux anciens, ont confié des objets à leurs confrères aventuriers. Une fois n’est pas coutume, les joailliers n’ont pas été conviés à empiéter sur les plates-bandes des antiquaires. On est enfin agréablement surpris de trouver dans le panel la librairie parisienne Thomas-Scheler, venue donner un tour culturel à l’affaire. Car, dans un premier temps, la prise de contact sera peu commerciale. Toutes les œuvres étant en importation temporaire, les transactions pourront être conclues seulement de retour dans leurs pays d’origine, ou dans les ports francs de Genève et Helsinki.

Moscow World Fine Art Fair

31 mai-7 juin, Musée du palais Dolgorukov, 19, Prechistenka Street, Moscou, visites privées du 31 mai au 2 juin, ouvert au public du 3 au 7 juin, 14h-21h, www.moscow-faf.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°194 du 28 mai 2004, avec le titre suivant : La ruée vers l’Est

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