La rue Louise-Weiss souffle ses cinq bougies

Depuis avril 1997, les galeries parisiennes de cette rue du XIIIe arrondissement ont su dessiner un nouveau territoire

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 19 avril 2002 - 1107 mots

Le 27 avril, les galeries
de la rue Louise-Weiss,
à Paris, fêtent leurs cinq ans de vie commune. Six au départ, les audacieux qui
se sont installés dans
le XIIIe arrondissement
en 1997 ont depuis été rejoints par d’autres. De nouveaux venus en agrandissements,
ce sont aujourd’hui treize lieux qui sont consacrés
à l’art contemporain dans
un quartier qui cherche encore à se développer.

PARIS - Premières galeries arrivées rue Louise-Weiss en 1997, Air de Paris, Art : Concept, Almine Rech, Emmanuel Perrotin, Jennifer Flay et Praz-Delavallade semblaient mener une véritable politique de décentralisation, loin du quartier Marais-Bastille où certains tenaient d’ailleurs boutiques (lire le JdA n° 33, février 1997). Les locaux, appartenant au ministère des Finances, avaient été mis à leur disposition gracieusement pendant la première année afin de lancer une rue jusque-là déserte. Cinq ans après, l’association “Louise”, qui assure la coordination entre les 12 galeries désormais présentes, annonce fièrement des vernissages qui regroupent entre “deux et trois mille personnes”. “Nous avons été six pionniers et les autres ont osé nous rejoindre”, se félicite Emmanuel Perrotin. “Dans les autres quartiers parisiens, le public hésite à visiter tous les espaces. Il s’arrête seulement sur les noms qu’il connaît. Nous profitions tous de notre proximité. De plus, étant à égalité sur la question de l’espace, les différences de choix artistiques apparaissaient clairement”, poursuit-il. Auparavant installé à Nice, Olivier Antoine de la galerie Art : Concept se souvient “avoir tout repris à zéro dans sa façon de travailler. Après deux années difficiles, la machine s’est mise en route, elle avait son rythme de croisière en 2000, et en 2001 j’ai ouvert un nouvel espace”. Désormais au 16 de la rue Duchefdelaville, il n’est pas le seul à avoir augmenté sa surface. En 2000, Emmanuel Perrotin a triplé sa superficie en ouvrant une annexe au 30 de la rue Louise-Weiss. Almine Rech a fait de même avant de finalement regrouper, ce mois-ci, toutes ses activités au 127 de la rue du Chevaleret. Elle laisse son annexe du 11 rue Louise-Weiss à une librairie d’art contemporain. Gérée par les éditions Images modernes, celle-ci doit ouvrir ses portes à la rentrée de septembre. Le quartier semble donc avoir ses habitués. “Cinq ans après, le développement est évident “, se félicite Florence Bonnefous de la galerie Air de Paris. Pourtant, si elle ressent aujourd’hui le besoin de se développer, ce ne sera probablement pas dans le voisinage. “En douze ans d’existence, la galerie a déjà beaucoup bougé et ce succès donne envie de recommencer. Pour faire rebondir Air de Paris une nouvelle fois, je ne pense pas qu’il faut juste rester là”, explique-t-elle. Partira, partira pas ? Rien n’est arrêté. Pour l’instant, Air de Paris ouvre une annexe à Tanger, au Maroc.

Quoi qu’il en soit, et même si Corentin Hamel, et “&” ont investi des locaux neufs lors de leurs installations en 2000 et 2001, les mouvements des “anciens” profitent à d’autres. “Dès le début, j’ai été un défenseur de la rue Louise-Weiss, insiste Philippe Jousse. J’avais envie d’aller davantage vers la jeune création et cet endroit offre une bonne lisibilité pour cela.” Après l’arrêt de sa collaboration avec Patrick Seguin, il a naturellement pris le chemin du XIIIe arrondissement où ses activités sont désormais doubles puisqu’il occupe avec artistes et meubles les 24 et 34 de la rue Louise-Weiss, places laissées vacantes par Art : Concept et Almine Rech. “Pour proposer le mobilier de Prouvé ou de Perriand, je me sens mieux dans cet environnement, plus proche de l’art contemporain que des antiquaires”, explique-t-il. S’il présente majoritairement du design contemporain, Didier Krzentowski a tenu un raisonnement proche lors de l’ouverture de Kreo en 1999. “Je suis un collectionneur d’art contemporain et mon idée était d’ouvrir une galerie de design. De plus, je suis arrivé au moment où de nombreux artistes se rapprochaient de ce domaine”, explique-t-il. L’heure serait donc à l’élargissement ? “Peut-être, mais le manque de locaux disponibles est désormais un problème”, s’accordent Didier Krzentowski et Philippe Jousse.

“La zone se construit, mais avec des coûts élevés, observe Emmanuel Perrotin. Les gens qui veulent venir dans le XIIIe arrondissement sont à la recherche d’une affaire.” Avec des projets de commerces, de cinémas, d’universités, l’urbanisme va bon train dans la ZAC Rive Gauche, mais les “friches” sont rares et les anciens entrepôts de la Sernam deviennent un objet de désir. Directeur de la galerie Frank, Frank Elbaz partage cette analyse. Actuellement installé rue des Pyramides (Ier arrondissement), il veut en septembre prochain rejoindre le XIIIe. “Contrairement à New York, avec ce qui s’est passé entre Soho et Chelsea, il n’y a pas encore de grosses galeries historiques qui aient fait le chemin, constate-t-il. Les pointures veulent des grandes surfaces et il n’y en a pas dans le XIIIe. J’ai peur que le système ne puisse pas prospérer. Quoi qu’il en soit, mon bail arrive à sa fin et je dois bouger. Après consultation de nombreux professionnels, les avis m’indiquent de rejoindre la rue Louise-Weiss.”

Plein d’amis pour un anniversaire réussi

Du 27 avril au 1er juin, la rue Louise-Weiss fête ses cinq ans en multipliant les invitations. Air de Paris fait dans les multiples et reçoit des maisons d’éditions, comme JRP Multiple Project et Small noise. Enfin, le public pourra se faire graver un titre inédit de Bosco justement intitulé Five Years. Toujours dans la “commémoration�?, Emmanuel Perrotin exposera une œuvre de Guy Limone qui intégrera autant de figurines que d’artistes présentés ces cinq dernières années dans les galeries du quartier. Parallèlement, le collectif Kolkoz proposera une partie de jeu en réseau, où par le biais de leurs avatars, galeristes, collectionneurs, artistes et critiques pourront s’étriper joyeusement. Plus calmement, & : in Situ présente le travail photographique de Lynne Cohen, et Almine Rech poursuit l’inauguration de son nouvel espace avec une installation spécifique de James Turrell. Pour que la fête soit encore plus réussie, d’autres ont choisi d’accueillir des galeries amies : Anne de Villepoix traverse la Seine en s’installant chez Corentin Hamel, Kreo continue à parler de design avec Mathieu Mercier et Alain Bublex, respectivement mandatés par Chez Valentin et la galerie Vallois. De même, Art : Concept reçoit la galerie athénienne Unlimited Contemporary Art en organisant une exposition d’Uri Tzaig, tandis que Jennifer Flay fait les honneurs de sa galerie à Gebr. Lehmann (Dresde). L’Anglaise Emily Tsingou pose, elle, ses artistes chez Praz-Delavallade. Enfin, ambiance internationale et familiale chez Philippe Jousse qui, outre Made in (galerie dirigée par son fils, Matthias, avec Nicolas Denis), héberge Gavin Brown’s Enterprise (New York) et Ulrich Fiedler (Cologne).

- FIVE YEARS, rue Louise-Weiss et alentours, Paris XIIIe, du 27 avril au 1er juin.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°147 du 19 avril 2002, avec le titre suivant : La rue Louise-Weiss souffle ses cinq bougies

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