La revanche du frère

Record mondial pour une photographie de Nadar Jeune

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 19 juin 1998 - 575 mots

Si Nadar est célèbre, son frère Adrien Tournachon, dit Nadar Jeune, est inconnu du grand public. Une de ses images est pourtant devenue la photographie ancienne la plus chère au monde en étant adjugée 1 150 000 francs, soit le double du précédent record atteint par une marine de Le Gray l’an dernier. Un prix “logique et irrationnel�?.

BIÈVRES - La traditionnelle foire à la photographie de Bièvres a connu le 7 juin un événement. Une épreuve au vernis d’après négatif verre, 28 x 20,8 cm, du Pierrot écoutant (1854-1855) d’Adrien Tournachon a pulvérisé son estimation de 50-60 000 francs en étant adjugée 1 150 000 francs (1 274 821 francs avec les frais) par l’étude Lelièvre-Maiche-Paris. Cette image fait partie de la série des “Têtes d’expression de Pierrots” mettant en scène le mime Debureau, qui inspirera à Marcel Carné le film Les Enfants du Paradis. Un tirage est conservé à la Bibliothèque nationale, tandis que le Musée d’Orsay possède la série complète.

Confiée à l’étude par un particulier de province, elle a été acquise par un collectionneur étranger, par le biais de Petros Petropoulos qui rassemble une collection de dessins et de photographies pour la maison de production de films Première Heure. Celui-ci avait un mandat de cette société jusqu’à un certain prix, et au-delà, un mandat du collectionneur. Ce dernier, selon Petros Petropoulos, était prêt à payer cette enchère élevée car “il a la conviction qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre pratiquement impossible à remplacer”. Pour l’expert de la vente, Marc Pagneux, ce prix a “une logique et un côté irrationnel”. “Il s’agit d’une icône, reproduite dans toutes les Histoires de la photographie, qui passait pour la première fois en vente publique. Le personnage représenté est fameux…” Il pensait toutefois que cette épreuve ne dépasserait pas 600 000 francs : “À 850 000 francs, il y avait encore quatre enchérisseurs !”

Premières photographies de La Mecque
Cet engouement confirme le fort renchérissement des épreuves considérées comme exceptionnelles. Ainsi, le gouvernement saoudien a déboursé 1,3 million de livres sterling (12,7 millions de francs) pour acquérir le 4 juin, à Londres, une série de 18 photographies de La Mecque et de Médine, en Arabie Saoudite, prises en 1880-1881 par un militaire égyptien, Mohammed Sadiq Bey. Sotheby’s les avait estimées dix fois moins cher. Il s’agirait des photographies – des vues panoramiques – les plus anciennes des deux villes saintes de l’Islam. Deux autres tirages de cette série complète sont connus, l’un conservé à l’Institut de France, l’autre chez un émir du Golfe. Néanmoins, cet engouement ne doit pas être généralisé. Ainsi, lors de la vente de Bièvres, deux autres tirages du même Tournachon, préemptés par la Bibliothèque nationale de France, ont plafonné à 60 000 et 5 000 francs. La majorité des 136 images vendues ont été adjugées en dessous de 10 000 francs.

Le 8 juin, l’étude Loiseau-Schmitz-Digard, assistée de l’expert Viviane Esders, proposait à Saint-Germain-en-Laye des photographies des XIXe et XXe siècles. En vedette, deux inédits de Man Ray : Portait de Juliet en maillot de bain à Hollywood, un Polaroid de 1963, a été adjugé 15 000 francs, mais Portrait d’Hanina, un tirage de 1956, n’a pas trouvé preneur. En revanche, la collection du cinéaste Marc Allégret s’est bien vendue, en particulier les images érotiques et les nus : un lot de photographies de naturistes est parti à 36 000 francs, contre une estimation de 2 500. Environ 95 % des lots ont été vendus.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°63 du 19 juin 1998, avec le titre suivant : La revanche du frère

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