Livre

La reliure en tous ses états

Le Journal des Arts

Le 19 novembre 2004 - 549 mots

La librairie Pierre Berès expose six siècles de création dans le domaine du livre.

 PARIS - Pure exposition ou exposition-vente ? Le cœur du libraire Pierre Berès balance. Au départ, cet homme de 91 ans a souhaité montrer un choix de ses livres rares dans des reliures d’époque, présentant une caractéristique exceptionnelle. Il a réuni 283 livres du XVe au XXe siècle, disposés par ordre chronologique dans les vitrines de sa librairie de l’avenue Friedland où il est installé depuis 1939. Un beau catalogue accompagne l’exposition, laquelle s’est transformée petit à petit en une exposition-vente, bien que les prix ne soient communiqués que sur demande et que le vieux libraire ait les reins suffisamment solides pour refuser une vente.
L’exposition brasse non seulement six siècles d’édition et de reliures, mais elle englobe géographiquement la production de l’Europe entière, à commencer par l’Allemagne, où l’imprimeur Johann Gutenberg a inventé l’imprimerie avec des lettres mobiles en 1445. L’ouvrage de Stephan Fridolin, Der Schatzbehalter, imprimé en 1491 chez Koberger à Nuremberg, est un des plus célèbres livres illustrés allemands du XVe siècle. Michael Wolgemut, le maître de Dürer, en a réalisé les planches sur bois. L’exemplaire est dans une reliure d’époque, « apparemment de l’atelier de l’imprimeur Koberger », comme l’indique le catalogue.
Une reliure en bois et cuir, avec une chaîne pour prévenir le vol, est particulièrement intéressante, selon le libraire. Elle protège les prêches de Jean Gobi le Jeune, réunis sous le titre Scala celi et édités à Ulm chez Johannes Zainer en 1480. À l’opposé de cet aspect germanique, on trouve les Heures à l’usage de Rome, imprimées à Paris chez Simon Vostre en 1496 et dans une reliure de l’époque en veau, ornée d’un décor de rosaces en relief de mastic, typique de la finesse française. On ne connaît que deux autres témoins de ce modèle de reliure.
Quittons les incunables (livres imprimés jusqu’en 1500) pour admirer la charte de confirmation de noblesse à don Alonso Enríquez, Carta ejecutoria apedimiento, un manuscrit daté du 8 mars 1572 à Grenade, dans une reliure dorée espagnole du XVIe siècle d’une grande richesse : animaux, fleurs, têtes de guerriers, etc.
Parmi les reliures en parchemin, notons un des textes de Philipp Melanchthon, Loci praecipvi theologici, édité à Leipzig chez Bapst en 1559. La reliure de Thomas Krüger, ornée de plaques dessinées d’après une gravure de Lucas Cranach le Jeune montrant Melanchthon et Luther et datée de 1561, est proposée à 35 000 euros. Une reliure en cuivre, incrustée de pierreries, à motifs de cœur et d’ornements floraux, datée 1834, protège un livre de prières catholiques en tchèque. Nombreuses, les reliures du XIXe siècle sont généralement moins spectaculaires que celles exécutées par les artistes du XXe siècle réunies ici par Pierre Berès. Parmi les grands noms, citons Pierre Legrain, André Mare, Georges Leroux et Rose Adler. Cette dernière a conçu, pour le Tancrède de Léon Fargue, une reliure à mi-plat en maroquin citron et second plat en parchemin blanc, avec des décors horizontaux et verticaux composés du titre en lettres dorées. L’exemplaire est daté 1956 et coûte 30 000 euros.

Six siècles de reliure, du XVe au XXe

Jusqu’au 18 décembre, Librairie Pierre Berès, 14, av. de Friedland, 75008 Paris, tél. 01 45 63 85 53, du mardi au samedi 12h-18h. Cat. 65 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°203 du 19 novembre 2004, avec le titre suivant : La reliure en tous ses états

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