Analyse

À la recherche de la meilleure pièce

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 23 septembre 2005 - 555 mots

Les collectionneurs étrangers frappent à la porte des galeries françaises qui exposent les étoiles montantes du marché.

Sauf à avoir accompagné depuis longtemps leur travail ou être intronisé par un familier de la maison, il est difficile pour les nouveaux collectionneurs d’acquérir des œuvres dans les enseignes américaines ou allemandes. L’art contemporain étant un marché d’initiés, les galeries privilégient naturellement leurs principaux clients. Est-il du coup plus facile d’acheter les artistes à la mode en France, où le nombre de collectionneurs est moindre qu’à l’étranger ? Le courtier Philippe
Ségalot rappelle que quelques Français s’étaient empressés d’emporter des tableaux de Dana Schutz, valant alors autour de 7 000 dollars (5 700 euros), lors de l’échange qu’a fait la galerie Emmanuel Perrotin avec la New-Yorkaise LFL en janvier 2004. Il leur était en effet impossible d’acquérir de telles pièces dans une galerie new-yorkaise largement bookée. Du point de vue de l’investissement pur, le jeu en valait la chandelle puisque, face à la demande, certains tableaux de Schutz se négocieraient aujourd’hui sur le second marché autour de 250 000 dollars !
Cette facilité vaut-elle pour Sam Durant et Mark Handforth, deux artistes exposés à Paris respectivement chez Praz-Delavallade et Almine Rech depuis le 10 septembre ? Ces créateurs sont tellement recherchés que leurs galeristes parisiens ont tout réservé ou vendu dès le premier jour. L’arbitrage entre les collectionneurs se révèle d’ailleurs proche du Jugement de Salomon. Dans le cas de Handforth, il a fallu départager quarante amateurs potentiels pour seulement cinq pièces s’échelonnant entre 20 000 et 40 000 euros. La Fondation Jumex (Mexique) a compté parmi les heureux attributaires, en emportant un grand mur de néons. De son côté, Bruno Delavallade avait organisé une preview des dernières œuvres de Sam Durant pour cinq collectionneurs le matin du vernissage. Le galeriste confie que des acheteurs étrangers l’avaient contacté, mais qu’il a préféré privilégier ses clients français.

Se pourvoir en pièces
Privilégier, soit, mais les galeries françaises ont-elles nécessairement les meilleures pièces de ces artistes ? Ne viennent-elles pas parfois après la bataille, alors que les enseignes allemandes et américaines ont déjà fait leur marché ou produit les projets les plus ambitieux ? Pour Bruno Delavallade, il est difficile d’obtenir par exemple des pièces du Californien Jim Shaw, déjà très sollicité par ses relais étrangers. Lorsque l’Américaine Marian Goodman a ouvert un espace à Paris, elle a débauché de nombreux artistes français, persuadés de jouir chez elle d’une meilleure aura auprès des collectionneurs américains. En revanche, malgré les pressions de la galerie Hauser & Wirth (Zurich-Londres), l’artiste suisse Roman Signer a refusé de couper les ponts avec ses galeries de longue date, notamment la Parisienne Art : Concept (dirigée par Olivier Antoine). Les cas se suivent et ne se ressemblent pas, mais, d’une certaine manière, la mondialisation du marché de l’art touche aussi la France. Pour les collectionneurs à l’affût, le tout est de se pourvoir en pièces, quel qu’en soit le canal. Lorsque la galerie parisienne Suzanne Tarasiève a présenté quelques artistes de l’école de Leipzig, des acheteurs étrangers qu’elle ne connaissait pas l’ont alors contactée. Bien qu’elle ait préféré donner la primeur à ses clients français, elle a dû abdiquer pour certaines pièces, devant la mollesse de l’accueil hexagonal… Les collectionneurs français sont-ils circonspects devant la mode ? Ou bien se raccrochent-ils tardivement aux wagons ?

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°221 du 23 septembre 2005, avec le titre suivant : À la recherche de la meilleure pièce

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