La photo au plus haut

Les ventes de New York battent des records.

Le Journal des Arts

Le 9 mai 1998 - 717 mots

Les récents scandales – dispersion d’une collection sous un nom d’emprunt, faux tirages de Man Ray – n’ont apparemment pas affecté le marché de la photographie, comme en témoigne le succès des dernières ventes à New York.

NEW YORK - Le 7 avril, Sotheby’s a vendu pour un total de 3,4 millions de dollars, 82 % des 457 lots des XIXe et XXe siècles que proposait son catalogue. Pour l’auctioneer, ce résultat représente un record pour une dispersion de photographies de provenances diverses. Le lendemain, Christie’s faisait encore mieux avec un total de 4 582 460 dollars. Le catalogue comportait 416 lots, dont 80 % ont été vendus. Christie’s attribue ce succès “à l’intérêt croissant pour la photographie en tant qu’objet de collection, à une économie solide et à une marchandise nouvelle et recherchée.” Événement significatif, Phillips a organisé sa première vente de photographies à New York depuis près de vingt ans,  avec la dispersion d’une collection de 120 images d’auteurs célèbres des années vingt et trente. Malgré un produit plus modeste – 993 330 dollars –, ce début est considéré comme très encourageant puisque 96 % des lots ont trouvé preneur, et l’estimation de 700 000 dollars a été dépassée.

Cette saison surpasse de loin celle de l’automne dernier à New York, où aucune photographie individuelle n’était partie à plus de 100 000 dollars. Ce printemps, Sotheby’s en a vendu trois à un prix supérieur : The Circus Tent d’Edward Weston (1924), 266 500 dollars (estim. 100-150 000 $) ; le portfolio de douze photographies de Man Ray, Champs Délicieux, 244 500 dollars (100-150 000 $), et un autre tirage de Weston, ses fameux Coquil­la­ges, 101 500 dollars (70-100 000 $). De son côté, Christie’s a vendu six photographies dans cette catégorie : deux études du peintre américain Thomas Eakins pour son tableau The Swimming Hole (vers 1883), 178 500 et 145 500 dollars ((10-15 000 et 8-10 000 $) ; deux œuvres de Pierre Dubreuil, un photographe français un peu oublié, Elé­phantasie (1908), 134 500 dollars (80-100 000 $), et Le Premier Round (vers 1932), 112 500 dollars (60-80 000 $) ; un daguerréotype anonyme d’une vue panoramique de San Francisco, 134 500 dollars (20-30 000 $) ; enfin, un Photo­gramme (1922) de Moholy-Nagy au prix record de 123 500 dollars (90-120 000 $). Dans cette même catégorie, Phillips a vendu le célè­bre Solarized nude de Man Ray de 1931, 156 500 dollars (60-80 000 $), ainsi qu’une photographie d’architecture sans titre réalisée par Lee Miller vers 1931, 145 500 dollars (15-20 000 $).

Ces prix donnent une idée de l’évolution de la partie haute du marché. Alors qu’il y a cinq ans, les acquéreurs ne payaient en général à ces prix que des images rares du XIXe siècle ou des œuvres de quelques grands classiques comme Man Ray ou Weston, l’intérêt des collectionneurs s’élargit. Pour Rick Wester, chez Christie’s, “si ce sont toujours les photographies d’entre les deux guerres qui suscitent l’intérêt, la rareté des œuvres entre de plus en plus en ligne de compte dans les motivations des collectionneurs, comme l’a montré la dispersion d’œuvres rares de Thomas Eakins à des prix encore jamais atteints.”

Le record absolu revient à une photographie d’Alfred Stieglitz, Georgia O’Keeffe, a portrait - hands with a thimble (mains avec dé), cédée 398 500 dollars à un collectionneur de Toronto chez Christie’s New York, en octobre 1993. Viennent ensuite l’adjudication par la même maison, en avril 1997, d’une épreuve de Mondrian’s pipe and glasses d’André Kertèsz (1926), à 376 500 dollars, et chez Sotheby’s New York, en 1995, celle d’un tirage de Man Ray, Glass Tears, à 266 500 dollars. Certains pronostiquent qu’une épreuve – sans doute par un des grand photographes modernes des années vingt et trente – pourrait prochainement atteindre les 500 000 dollars.

Aux États-Unis, la photographie a jusqu’à présent séduit avant tout des personnalités du cinéma et du show-business. Mais Denise Bethel, chez Sotheby’s, s’attend dans les prochaines années à l’émergence de deux cents nouveaux acheteurs capables de consacrer 10 000 dollars à une image et de dépenser plus par la suite. Toutefois, si les auctioneers veulent réellement élargir leur potentiel d’acheteurs, ils devront faire évoluer leurs catalogues de vente, qui ont tendance à reproduire toujours les mêmes images d’un nombre restreint de photographes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°60 du 9 mai 1998, avec le titre suivant : La photo au plus haut

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque