Rapport

La période de transition se poursuit pour les SVV

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 4 novembre 2005 - 825 mots

En prenant la présidence du Conseil des ventes, Christian Giacomotto hérite d’une situation morose. Le rapport 2004 de l’organisme contient quelques chiffres qui en rendent compte.

Les chiffres du marché
Si l’on met en perspective les données quantitatives du marché, qui permettent de mesurer le dynamisme des opérateurs, on ne peut qu’observer une certaine atonie.
Pendant les premiers exercices complets du marché réformé (2002 et 2003), on avait pu espérer une petite embellie, relative par rapport à l’Angleterre et aux États-Unis. L’année 2004 a douché ces espoirs, avec une progression de 2,3 % des produits masquant une baisse de 10 % si l’on extrait du total (1,77 milliard d’euros) les véhicules d’occasion.
Comme d’habitude ressort l’argument des handicaps fiscaux ou assimilés du marché français. Ainsi de la TVA à l’importation, mais les Anglais, qui ont dû s’y plier, continuent cependant à être en progression ; ou du droit de suite, mais le nouveau dispositif d’harmonisation, qui devrait significativement en réduire la portée, n’est toujours pas appliqué.
S’y ajoute désormais l’Internet accapareur, qui viderait les ventes de la marchandise intermédiaire. Tous ces arguments masquent le souhait premier de la majorité des opérateurs : le maintien de la situation en l’état, c’est-à-dire le verrouillage du marché. Car les seuls chiffres à avoir fortement progressé sont ceux des marges des sociétés de ventes volontaires (SVV). La libération des tarifs n’a, semble-t-il, été accompagnée d’aucune compétition réelle, les SVV collant au plus près aux tarifs des Anglo-Saxons.
Économiquement, les ventes aux enchères étant plus lucratives qu’avant la réforme, l’intérêt prédominant de la plupart des SVV n’était sans doute pas de conquérir des marchés, mais de boucler et d’exploiter le marché qu’elles détenaient déjà.

De l’art aux voitures d’occasion
La réforme était censée dynamiser le marché de l’art. Elle aura au moins permis la conquête de celui des véhicules d’occasion. In fine, parmi les dix premières SVV françaises, seules trois (Christie’s, Tajan et Sotheby’s) opèrent sur le marché de l’art. Dans le classement des SVV, elles occupent respectivement les 2e, 6e et 9e places.

Morne constat pour l’emploi dans les SVV
Un chiffre donne à réfléchir dans le dernier rapport du Conseil des ventes, celui des effectifs des SVV : 1 615 salariés (dont 679 en Île-de-France). Soit en moyenne 4,4 salariés pour chacune des 365 SVV (6 en Île-de-France et 3,7 en province).
Les rapports parlementaires (en particulier celui du sénateur Yann Gaillard) étaient fondés sur un effectif pour les études de 2 000 salariés avant réforme. La plupart des offices judiciaires ayant été maintenus, l’essentiel de leurs effectifs a sans doute été transféré vers les SVV.
Dans ce domaine aussi, rien ne semble avoir changé.
La commission d’indemnisation ne rendant pas publiques ses décisions, on ignore si certains salariés auront été licenciés à la suite de la réforme et auront bénéficié d’une indemnisation au même titre que les officiers ministériels. On peut au moins en tirer une conclusion : l’indemnisation versée aux commissaires-priseurs – la prévision était de 500 millions de francs – n’aura pas été investie dans les moyens humains des SVV. Comme la dynamique d’un marché ne dépend pas seulement de quelques flamboyances individuelles, on peut se demander si ce n’est pas, quatre ans après la réforme, un véritable handicap du marché français.

L’intérêt du consommateur
Les professionnels, toutes organisations confondues à l’initiative du Syndicat national des
maisons de ventes volontaires (Symev), avaient très rapidement fait savoir que le Conseil des ventes et son président n’avaient pas la légitimité ni le droit d’intervenir sur les questions déontologiques, ce qui recouvrait le contrôle et, éventuellement, la sanction des dérives au détriment du consommateur.
En clair, les professionnels souhaitaient continuer à laver leur linge sale en famille, mais aussi à fixer entre eux les limites à ne pas dépasser.
Ils y sont largement parvenus, puisque le Conseil des ventes a dû en rabattre sur ces objectifs. Le code de déontologie qu’il voulait définir et imposer a été réduit à un glossaire des ventes publiques. En face, le Symev, qui avait mené la fronde, a diffusé une « charte d’engagement qualité des commissaires-priseurs », qui n’engage pas les SVV à beaucoup plus que ce qui leur est imposé par la loi.
La question toujours insoluble des experts ne permet guère d’améliorer une situation qui a tourné à la guerre de tranchées.
In fine, pour le consommateur, il y a peu de changement, sinon les garanties financières et de responsabilité imposées par la loi, et une augmentation importante du prix du service rendu.
Ces constatations faites, leur inventaire global ne rend pas compte des évolutions différentielles. C’est sans doute pourquoi l’une des premières observations de Christian Giacomotto a été de distinguer la province et Paris. Le convoi de la réforme, en s’alignant sur les plus petits opérateurs, a laissé subsister l’émiettement du marché. Le Conseil des ventes, après la première étape institutionnelle, peut-il encourager une reconfiguration plus fidèle à la diversité des situations du marché ? Réponse dans trois ou quatre ans.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°224 du 4 novembre 2005, avec le titre suivant : La période de transition se poursuit pour les SVV

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