Les ventes aux enchères dans le monde, résultats et commentaires

La peinture moderne très convoitée

Londres

Le Journal des Arts

Le 1 novembre 1994 - 792 mots

La vente du 13 octobre chez Christie’s a connu un immense succès, avec 7 739 410 livres (64,5 millions de francs) de vente, pour 71 % des lots et 83,4 % en valeur. Les enchères ont connu quelques grands moments.

LONDRES - Les acquéreurs et les experts qui ont assisté à la vente organisée par Christie’s le 13 octobre – 188 lots d’art allemand et autrichien, tableaux, dessins et sculptures – ont vécu trois heures et demie d’excitation fébrile. En outre, les innombrables enchères au téléphone – souvent par tranche de 1 000 livres (8 350 francs) – ont fait durer la vacation et mis les nerfs à rude épreuve.

Un petit Caspar David Friedrich – Barque de pêche entre des rochers, au bord de la Baltique – datant du début des années 1830, a été vendu 580 000 livres (4,84 millions de francs) au baron Thyssen. Ce dernier possède déjà une belle œuvre de l’artiste – Matin de Pâques – aujourd’hui exposée à la Villa Hermosa à Madrid. Malgré certaines réserves sur l’état de l’œuvre, elle est tout à fait typique de cette période de l’artiste et son prix semble juste. Johann Gärtner, autre artiste très prisé chez Christie’s l’an passé (avec une très grande toile vendue à la Nationalgalerie de Berlin, en juin, pour 850 000 livres, soit 7,1 millions de francs), était représenté ici par une vue d’Unter den Linden. Estimée entre 120 000 et 180 000 livres (1 et 1,5 million de francs), elle est partie à 220 000 livres (1,83 million de francs) chez un marchand de Londres.

L’un des tableaux les plus attrayants de cette section, une Cendrillon de Franz von Stuck (1899), représentant une jeune femme de profil, le buste nu couvert de ses longs cheveux bruns, a connu un véritable crescendo d’enchères téléphoniques, pour passer de 12 000 livres (100 000 francs) à 43 000 livres (360 000 francs).

Toutes les œuvres de cette première section n’étaient pas de la même qualité et elles n’ont pas toutes connu le même sort, y compris Le rabbin de Baghdad de Menzel, belle mais sombre toile qui n’a pas trouvé preneur à 160 000 livres (1,33 million de francs) pour une estimation initiale de 200 000 à 300 000 livres (1,67 à 2,50 millions de francs). Le goût local a été flatté dans certains cas : une Scène de brousse africaine de Wilhelm Kuhnert, estimée entre 10 000 et 15 000 livres (entre 83 500 et 125 000 francs), a été finalement vendue 31 000 livres (soit 258 000 francs) ; un Groupe d’éléphants près d’un point d’eau, estimé 70 000 livres (584 000 francs) malgré son peu de séduction, est parti à 90 000 livres (751 000 francs).

La seconde partie de la vente était consacrée à un bon ensemble d’estampes. Un rare portfolio de 1919 de Max Ernst – Fiat modus, pereat ars ("Vive la mode, mort à l’art !") – a été vendu pour 56 000 livres (467 000 francs) sur enchère téléphonique, après une compétition serrée avec Frederick Mulder et Simms Reed. Ruth Ziegler, ancien chef du département Estampes de Sotheby’s New York, a acheté une belle épreuve d’Orange de Kandinsky pour 65 000 livres (542 750 francs) contre une estimation initiale entre 60 000 et 80 000 livres (501 000 et 668 000 francs).

La peinture moderne a été toutefois la plus disputée et de nouveaux records ont été établis : 550 000 livres (4,6 millions de francs) pour Garden Café sur le Wannsee, de Max Liebermann ; 250 000 livres (2,1 millions de francs) pour une superbe sculpture sur bois de Kirchner représentant une Femme couchée ; 540 000 livres (4,5 millions de francs) pour Femme espagnole au châle rouge, de Jawlensky (1912) ; enfin, avec 870 000 livres (7,26 millions de francs) pour un Sentier de Schmidt-Rottluff, de 1910, un prix beaucoup plus élevé que le précédent record atteint par un Nu du même artiste, vendu 395 161 livres (3,3 millions de francs) à la Villa Grisebach, en mai dernier.

Cette vente avait été précédée d’une énorme publicité dans le monde entier, avec des tournées de présentation des tableaux en Allemagne et aux États-Unis. Celle-ci a-t-elle contribué à gonfler le prix des œuvres ? Certains font remarquer que les estampes ont obtenu des prix comparables à ceux d’enchères "normales". D’un autre côté, comme dans le cas significatif d’une aquarelle de Schmidt-Rottluff (vendue 56 000 livres – 467 000 francs – pour une estimation initiale de 35 000 à 45 000 livres – de 292 000 à 375 500 francs), le contexte soigneusement préparé a indubitablement favorisé les prix. En tout état de cause, Christie’s peut désormais prétendre à jouer un rôle mondial de premier plan dans les ventes d’art germanique.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°8 du 1 novembre 1994, avec le titre suivant : La peinture moderne très convoitée

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