La messe est dite

Les commissaires-priseurs pressent Philippe Douste-Blazy

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 1 décembre 1996 - 554 mots

Les participants au colloque organisé le 29 octobre à l’Assemblée nationale par l’Association nationale pour le débat et les Commissaires-priseurs de France attendaient des précisions sur les modalités pratiques de la réforme. Il y en eut peu. Jacques Toubon, en ouverture, a reçu les remerciements de la profession pour une réforme qui assurera un \"juste équilibre entre les exigences de reconversion et la réparation du préjudice subi\". Philippe Douste-Blazy, en fin de journée, a essuyé les reproches des officiers ministériels, qui jugent l’administration française trop timide face à Bruxelles, en particulier sur les questions de la TVA et du droit de suite.

PARIS - Union sacrée face à l’étranger. Le lyrisme n’a pas manqué dans cette unanimité française que Me Hervé Poulain, président de séance, a clôturé par ces mots ambigus : "La messe est dite". Mais auparavant, on avait entendu parler de séisme, de brûlures de l’histoire, de patrimoine juridique, de mythe…

C’est la loi du genre, comme de siffler Maurice Rheims, "du parti de l’étranger", qui n’a pas hésité à confier aux Anglo-Américains la vente d’un Toulouse-Lautrec, d’évoquer l’intérieur de M. Taubman (l’actionnaire principal de So­theby’s) pour en tirer des conclusions sur sa "philanthropie" ou, moins élégant, de s’inquiéter du fait que "sous les traits délicats de la Princesse de Beauvau-Craon (PDG de Sotheby’s France) pourraient bientôt percer ceux de Mike Tyson".

Bref, comme l’a reconnu Me Pou­lain lors de l’arrivée de Philippe Douste-Blazy, la salle s’était échauffée. Le ministre de la Culture en a fait les frais. Hervé Poulain, puis Guy Loudmer lui ont signifié que le temps pressait et que ce n’était pas dans trois ans qu’il fallait éponger les différentiels avec la Grande-Bretagne en matière de TVA et de droit de suite. Le ministre, après avoir rappelé qu’il était aussi tuteur de la création et des artistes, faisait état des contraintes européennes pour s’entendre répondre que si l’on voulait (i.e. sans doute Bercy), on pouvait.

Il est vrai que jusqu’à l’entrée en vigueur de la 7e directive TVA, début 1995, la France a maintenu, en contradiction avec les textes européens, le taux réduit sur les ventes d’œuvres d’art originales, et depuis, par une "libre" interprétation des textes européens baptisée "tolérance administrative", étend le bénéfice de la marge forfaitaire aux pièces d’ébénisterie de plus de 100 ans d’âge. Dans ce sens, Guy Loudmer signalait d’ailleurs que l’interprétation administrative reste plus forte que les textes communautaires, puisqu’une sculpture d’art primitif est importée à 5,5 % tandis qu’un masque africain doit supporter la TVA au taux normal... Bref, si Bercy l’acceptait, il ne serait donc pas invraisemblable d’opérer une réduction temporaire à 2,5 % de la TVA à l’import ; on voit mal les Britanniques aller protester.

En fait, il manquait un représentant du ministère des Finances pour entendre ces ultimes doléances. Le seul financier présent, qui représentait la Caisse des dépôts et consignations, indiquait que "si on le lui demandait, la CDC apporterait son concours complet et total à la transition et ... accompagnerait la modernisation...". Au passage, avec douceur mais insistance, il affirmait cependant que gérer une société commerciale suppose une "démarche plus économique et efficace", "un effort de crédibilité", "la capacité à faire du prévisionnel et à donner des garanties". Une fois réglée la question de l’indemnisation, ce sera sans doute le seul vrai défi lancé à la profession.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°31 du 1 décembre 1996, avec le titre suivant : La messe est dite

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