Art contemporain

La massue remplace le marteau

Outre-Atlantique, la course aux records se poursuit. Les jeunes artistes bénéficient également de cet engouement et de cette manne financière disponible

Le Journal des Arts

Le 9 janvier 2008 - 910 mots

NEW YORK - Après la folle semaine des ventes d’art impressionniste et moderne à NewYork (plus d’un milliard d’euros de tableaux vendus), avec records de records, les ventes d’art contemporain, très attendues, n’ont pas déçu, bien au contraire. Elles ont confirmé l’état d’un marché soutenu, une disponibilité d’argent impressionnante et un appétit féroce de collectionneurs venus de la planète entière.
Sotheby’s avait l’honneur d’ouvrir le bal, le 14 novembre, avec un bel ensemble représentatif des « in » du marché de l’art et la collection Vanthournout, cohérente et de grande qualité, réunie essentiellement dans l’actualité des 40 dernières années. S’il y en avait pour tous les goûts, il n’y en avait pas pour toutes les bourses. L’effet « collection » s’est une fois de plus révélé efficace, totalisant 42 millions de dollars et 100 % des lots vendus. Course aux records : Francis Bacon avec Version n° 2 of Lying Figure with Hypodermic Syringe de 1968, oeuvre très convoitée, a été vendue 15 millions de dollars (11,7 millions d’euros). Elle appartenait à la collection Vanthournout depuis 1970. Un Anish Kapoor, attendu entre 350 000 et 450 000 dollars, a été adjugé 2,256 millions de dollars, un albâtre de belles dimensions daté 1999, dans la collection depuis 2001. Une oeuvre de Manzoni de 1959 vendue 2,592 millions de dollars (estimation de 900 000 à 1,2 million de dollars). Niki de Saint-Phalle, pour son Ana Lena en Grèce, de 1965-67, à 1,136 million de dollars, a pulvérisé son ancien record de 537 298 dollars (oeuvre dans la collection depuis 1969).
Dans la suite de la vente, intelligence des enchères pour Jean-Michel Basquiat. Une oeuvre moyenne de 1988, The Dingoes that Park their Brains with their Gun, surestimée entre 2 et 3 millions de dollars, a été adjugée à 2,144 millions de dollars avec les frais. Tout comme le Lichtenstein bien daté de 1962, sans grand intérêt, invendu sur une estimation de 8 à 10 millions de dollars.
À noter une abstraction de Joan Mitchell, 190 x 180 cm, datée de 1958, a été vendue dans l’estimation 1,472 million de dollars (1 062 886 d’euros). Ceci me permet au passage de souligner la performance d’Artcurial qui, pendant la FIAC, a vendu, de la collection Fournier, Salut Sally de 1970, certes légèrement plus grande, au prix de 2 586 375 euros. Tout ne semble pas complètement perdu pour le marché français ! Une étonnante belle tenue pour les artistes nés entre 1970 et 1975 : Cecily Brown (née en 1969), 632 000 dollars ; Jenny Saville (née en 1970), 1,024 million de dollars ; Barnaby Furnas (né en 1973), 520 000 dollars.

Des records mondiaux
Christie’s – leader incontesté des maisons de ventes aujourd’hui – a dispersé, dans la seule soirée du 15 novembre, pour 240 millions de dollars d’oeuvres en 72 lots vendus sur 81 proposés, battant 19 records du monde. 27 millions de dollars pour une huile de De Kooning et 9,648 millions de dollars pour une oeuvre sur papier du même artiste. Records vraisemblablement motivés par l’incroyable et excellente campagne de médiatisation menée autour de la vente d’une Woman (1952-1953) par David Geffen au collectionneur Steven Cohen pour 137,9 millions de dollars. Inépuisable Warhol battant un nouveau record à 17,376 millions de dollars pour un Mao de 1972, acheté par Joseph Lau, magnat de l’immobilier à Hong-Kong. Quelques beaux résultats pour Richard Diebenkorn : 6,176 millions de dollars; Carl Andre : 2,032 millions de dollars ; Robert Mangold : 800000dollars ; Albers : 1,136 million de dollars ; Louise Bourgeois (artiste franco-américaine) : 4,048 millions de dollars.
La Chine s’est éveillée : 1,360 million de dollars pour un grand et beau tableau de Zhang Xiaogang de 1998. Aujourd’hui, inutile d’attendre quarante ans pour reconnaître l’importance d’un artiste ! Nos quelques artistes français, présents dans les ventes de New York n’ont pas eu l’honneur des ventes du soir, mais leur présence dans les
« Part Two » reflète une bonne tenue à l’international. Soulages, dont une petite huile de 1956 a été adjugée chez Sotheby’s à 374 000 dollars et une encre et gouache sur papier a pulvérisé son estimation (70 000 à 90 000 dollars) à 168 000 dollars. Vasarely, à 168 000 dollars, confirme ce qui se passe en Europe et César, en pénitence depuis sa disparition, revient en force avec une enchère de 284 000 dollars sur une Fanny Fanny, bronze de 1990. Sous peu, ils auront l’honneur des ventes du soir. Cette frénésie pour l’art contemporain, qui semble inquiéter les acteurs du marché qui gardent le douloureux souvenir de la fin des années 1980, devrait pourtant les rassurer sur l’avenir. L’énorme masse financière disponible, la réelle liquidité donnée aux oeuvres d’art par ces puissantes maisons de ventes qui ôtent toute inquiétude quant à leur revente (qui peut être réalisée en moins de deux mois), le statut social acquis par le collectionneur, l’apparition de nouveaux clients venus de Chine, d’Inde, qui renforcent la concurrence avec les Européens et les Américains, font partie des éléments qui me font dire, aujourd’hui, que nous sommes encore loin d’avoir atteint le sommet. Imaginons qu’une partie de l’argent négocié chaque jour à la bourse, soit investie sur le marché de l’art... ! Malgré tout, en tant que collectionneur et acteur du marché de l’art, je me garderai d’être aveuglé par ces résultats faramineux et j’éviterai de me laisser emporter par l’euphorie. N’oublions pas que tous ces artistes ont d’abord été découverts par des galeries.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°250 du 5 janvier 2007, avec le titre suivant : La massue remplace le marteau

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