Bibliophilie

La littérature française atteint des sommets

Le Journal des Arts

Le 9 janvier 2004 - 745 mots

Le marché des livres anciens se révèle très actif, avec un nombre important de ventes, des prix constants et quelques records.

 PARIS - Le troisième trimestre  2003 a été marqué à Paris par un nombre important de ventes de livres anciens et de manuscrits. Le marché est toujours aussi soutenu par les professionnels. Ils restent plutôt discrets à l’hôtel Drouot, mais se font remarquer dans des ventes organisées par les maisons internationales. Profitant du marketing mondial des auctioneers et de la diffusion des résultats de vente accompagnés du nom de l’acheteur (pratique interdite à Drouot), quelques libraires comme Patrick Sourget, Jean-Claude Vrain ou Benoît Forgeot, utilisent ces listes de résultats pour leur publicité professionnelle.
Les catalogues de cet automne, rédigés par des experts tels que Dominique Courvoisier, Bernard Loliée, Pierre Meaudre et Christian Galantaris à Drouot, Christoph Auvermann chez Christie’s ou Jean-Baptiste de Proyart chez Sotheby’s, présentaient souvent des collections homogènes, voire thématiques. La littérature française – tous siècles confondus – s’est taillé la part du lion dans la gamme des prix élevés. L’édition originale des Essais de Michel de Montaigne, publiée en 1580, le lot phare de la collection Francis Pottiée-Sperry, que Sotheby’s vendait le 27 novembre, fut achetée par le libraire Patrick Sourget pour 337 875 euros. Ce prix représente un record en vente publique pour une œuvre de Montaigne, ainsi que le deuxième prix le plus élevé pour une œuvre imprimée de littérature française (le record mondial reste Du côté de chez Swann de Marcel Proust, vendu par Sotheby’s en 2001 à Paris pour 340 342 euros). La première édition de Céline, Voyage au bout de la nuit (1932), un des dix exemplaires de tête sur vergé d’Arche hors commerce, a été poussée jusqu’à 117 410 euros le 3 décembre chez Bergé & associés. Un exemplaire comparable se trouvait dans la collection Ragazzoni, vendu par Tajan le 13 mai au double de son estimation pour 70 404 euros.
Albert Camus se hisse au niveau de Céline avec L’Été (1954) : le numéro 8 des 25 exemplaires de tête sur vélin Van Gelder a été adjugé chez Bergé & associés pour 117 419 euros. Samuel Beckett a atteint son record mondial de 46 332 euros, chez Renaud-Giquello le 13 novembre, avec la pièce de théâtre En attendant Godot, que les éditions de Minuit publièrent en 1952 sous cette couverture blanche brochée qui est leur image de marque. Le 3 décembre chez Bergé & associés, un autre exemplaire est parti à 35 223 euros. Concernant la littérature plus classique, on note un bon prix pour La Comédie humaine d’Honoré de Balzac en 8 volumes, considérée comme l’exemplaire personnel de Balzac, qui a été acquise pour 94 260 euros chez Piasa le 29 novembre.

Coloris d’époque
Parmi les livres illustrés, les 82 250 euros que Christie’s a pu obtenir le 26 novembre pour Les Fables de Jean de La Fontaine illustrées par Marc Chagall en 1952 se rangent dans la catégorie des prix les plus élevés. Un seul incunable (c’est-à-dire un livre imprimé avant le 31 décembre 1500) s’est fait remarquer cette saison : le Liber chronicarum, de Hartmann Schedel, publié à Nuremberg en 1493. Ce livre classique, connu grâce à ses illustrations, était, selon l’expert Courvoisier, dans ses coloris d’époque. Il a trouvé un acheteur au téléphone pour 150 580 euros chez Bergé & associés le 4 novembre. Notons encore trois beaux résultats d’autographes, notamment une lettre manuscrite de Wolfgang Amadeus Mozart, pour laquelle un collectionneur européen a dépensé 151 250 euros chez Christie’s le 26 novembre, ce qui représente un record mondial pour une lettre du compositeur autrichien. Céline, encore lui, était très convoité chez Beaussant-Lefèvre le 14 novembre : six lettres d’amour adressées à Lucienne Delforge de 1935 à 1939 ont été réunies et achetées par un collectionneur via le téléphone mobile de Jean-Baptiste de Proyat, ce pour 44 800 euros. Quant à Jean-Jacques Rousseau, un anonyme le hissait à la tête du « top ten » chez Sotheby’s le 11 décembre, où était dispersée la bibliothèque du roi Léopold III de Belgique. Les 14 pages de la XXIe lettre de Julie ou la Nouvelle Héloïse, que Rousseau rédigea en 1756-1757, ont été adjugées pour 96 725 euros, un record mondial pour un manuscrit de l’écrivain. Enfin, la bibliothèque d’architecture de François Mignard a, sous le marteau de Piasa le 27 novembre, totalisé 490 660 euros. Les livres d’architecture sont plutôt rares sur le marché. Trouver une collection entière représentait une véritable panacée.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°184 du 9 janvier 2004, avec le titre suivant : La littérature française atteint des sommets

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