La galerie révèle la période américaine, féconde en inventions formelles mais rare en originaux, du sculpteur ukrainien.

© Adagp Paris 2025
Paris. Pour Benoît Sapiro, directeur de la galerie Le Minotaure, cette exposition est prétexte à remettre en lumière une période négligée de l’artiste ukrainien Alexander Archipenko (1887-1964), tout en ravivant l’intérêt du marché européen pour un sculpteur trop rarement présenté. « Il n’y a pas eu d’exposition d’Archipenko depuis 1969, au Musée Rodin », rappelle-t-il.
Archipenko fut l’une des figures les plus visibles de l’avant-garde européenne. Arrivé à Paris en 1910, il expose aussitôt au Salon des indépendants et au Salon d’automne, et devient en 1912 l’un des fondateurs de la Section d’or. Aux côtés de Brancusi et d’Alberto Giacometti, il invente une sculpture moderne où le vide, la polychromie et l’assemblage de matériaux hétérogènes renouvellent le langage cubiste. Après une décennie européenne, il part pour les États-Unis en 1923, où il poursuit une recherche d’une grande vitalité, fondée sur l’expérimentation formelle, l’emploi de matériaux inédits et une réflexion sur l’enseignement de l’art comme processus de transformation.
L’exposition réunit une vingtaine de sculptures et une dizaine d’œuvres sur papier, concentrées sur les années 1930-1950, que le galeriste« considère comme l’apogée de son œuvre ». Période encore peu connue en Europe, mais centrale dans son expérimentation de matériaux tels que la bakélite, le miroir, l’aluminium, le bois peint, le métal et les objets trouvés et son travail des volumes. Parmi les pièces phares, Joséphine Bonaparte (1935), en bois polychrome ; Torse dans l’espace (1935-1936), présenté ici dans une version en aluminium – une fonte unique vendue dès l’ouverture pour 400 000 euros à un collectionneur américain – ou encore l’emblématique Torse hollywoodien, un bronze de 1936 fondu en 1958.

© Adagp Paris 2025
« Il n’y a pas de marché Archipenko, indique Benoît Sapiro. Les œuvres que l’on voit circuler, comme pour 90 % des sculpteurs, sont des œuvres posthumes. Il y a très peu d’originaux de son vivant. » Cette rareté justifie la hauteur des prix dans l’exposition : entre 80 000 et 700 000 euros pour les sculptures, 40 000 à 100 000 euros pour les œuvres sur papier. Le 15 octobre dernier à Londres, un groupe en marbre daté de 1921, Solitude féminine, sculpté du vivant de l’artiste, a été adjugé plus de 600 000 euros. Le record dépasse aujourd’hui le million d’euros, mais le marché reste étroit, concentré sur quelques pièces uniques. « Tout ce qu’il a produit en Europe a été vendu, et la plupart des chefs-d’œuvre sont désormais dans les collections publiques, notamment au Centre Pompidou. »
L’exposition a aussi une teinte personnelle pour le marchand. « En 1961, Archipenko avait écrit à mon père [Antoine Sapiro, galeriste à Paris dans les années 1960-1970] depuis l’Italie, où il faisait fondre des bronzes et organisait une exposition. Il lui proposait d’en faire une à Paris, mais mon père avait refusé. On lui avait dit qu’il y avait trop de bronzes, que ce n’était pas intéressant. » Les cartes postales, redécouvertes des décennies plus tard, agissent comme un déclencheur : « Je me suis toujours demandé comment on pouvait refuser Archipenko. Il fallait être fou ! »
L’idée de cette présentation a ressurgi il y a deux ans et s’est concrétisée dans le sillage de l’exposition du musée d’Anvers (« Donas, Archipenko & La Section d’or. Modernisme envoûtant », jusqu’au 11 janvier 2026 au KMSKA), auquel la galerie avait prêté par le passé plusieurs œuvres d’artistes de la Section d’or. « Archipenko est un artiste expérimental, qui travaille sans filet, assure Sapiro. C’est ce que j’aime chez lui. Il ne refait jamais la même chose, contrairement à tant d’autres dans l’école de Paris. Il faut le remettre dans le regard des Européens. »
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La galerie Le Minotaure ressuscite les années américaines d’Archipenko
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°665 du 14 novembre 2025, avec le titre suivant : La galerie Le Minotaure ressuscite les années américaines d’Archipenko






