Une vingtaine de pièces évoquent l’histoire de la galerie, du modernisme italien au design contemporain.
Paris.« Un jour je me suis dit : ça y est, ça va faire 40 ans ! Il faut quand même faire quelque chose ! », explique Victor Gastou, qui a intégré la galerie en 2008. L’idée a germé il y a cinq ans : mettre de côté des œuvres emblématiques pour composer une exposition qui raconte avant tout la galerie elle-même.
Le parcours réunit une vingtaine d’œuvres, pour des prix allant entre 15 000 euros pour des pièces dites « accessibles » et 300 000 euros pour des œuvres majeures. Un lampadaire Svincolo (1979) d’Ettore Sottsass (1985) fait figure de symbole : déjà montré lors de l’exposition inaugurale de la galerie, il « boucle la boucle ». Les colonnes illuminées de Jean-Claude Farhi et César [voir ill.] rappellent les années 1970, une table basse en mosaïque (1983) d’Ado Chale illustre les recherches sur la matière, tandis que les sculptures de Delamarre, Les Connaissances humaines (1937), en plâtre doré, issues de projets pour le Trocadéro, finissent d’ancrer l’exposition dans une dimension historique. Des créations contemporaines commandées pour l’occasion à Agnès Debizet ou Béatrice Serre complètent l’ensemble. Certaines des pièces sont présentées sur des socles en terrazzo noir et blanc rappellant la devanture aujourd’hui mythique de la galerie, dessinée par Sottsass en 1986.
La sélection a nécessité de la patience. « Le métier d’antiquaire est un métier où l’on ne fait pas ce qu’on veut. Certains objets sont partis dans des musées, d’autres sont inaccessibles. Il faut composer avec ce que l’on trouve », souligne Victor Gastou.
L’exposition ne suit pas de stricte chronologie mais cherche à restituer l’atmosphère propre au « goût Gastou », forgé par Yves et prolongé par Victor. Ce goût est celui d’un éclectisme assumé, fait de croisements : les modernistes italiens (Gio Ponti, Lucio Fontana, Carlo Molino), les radicaux des années 1980 (Sottsass, Alessandro Mendini), les années 1930-1940 (André Arbus, Gilbert Poillerat, Jean-Charles Moreux), les décennies 1960-1970 (Maria Pergay, César), jusqu’aux designers contemporains comme Ron Arad, Tom Dixon ou Emmanuel Babled. « Le fil rouge, c’est que tout ça n’a pas de sens ensemble, mais qu’on arrive à les assembler », résume le galeriste. La couleur est revendiquée, en réaction à un marché qu’il juge trop austère, tandis que les objets choisis transcendent leur nature : « Une chaise, c’est une chaise, mais l’important est qu’elle transmette une émotion. » Cette approche sensorielle, héritée d’Yves Gastou, reste la marque de fabrique de la galerie : la prééminence de l’œil et des formes sur le discours théorique.
Depuis la disparition de son père en 2020, Victor Gastou perpétue l’héritage tout en ouvrant la galerie à une jeune génération, avec Omar Chakil, Harumi Klossowska de Rola ou encore Irene Cattaneo (dont le premier solo show sera présenté en octobre à la galerie). Plus mesuré que son père – « qui pouvait mettre 40 objets quand j’en mets 25 » –, il revendique la continuité : « Je développe ma branche, mais je fais partie du même arbre.» Et d’ajouter : « On n’est jamais prêt, mais on est toujours bien préparé. »
Le catalogue publié pour l’occasion retrace l’ensemble des expositions et salons de la galerie depuis 1985. Il montre combien le goût de la galerie a évolué, depuis le néoclassicisme des années 1990 jusqu’aux shows plus « rock’n’roll » des années 2000. Certaines œuvres exposées aujourd’hui avaient figuré dans ces accrochages ou sur des foires, d’autres ont un caractère similaire. À travers cette rétrospective, Victor Gastou rappelle qu’une galerie vit d’abord par l’œil de ceux qui la tiennent.
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La galerie Gastou célèbre 40 ans de design
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°661 du 19 septembre 2025, avec le titre suivant : La galerie Gastou célèbre 40 ans de design





