La France n’a pas bénéficié de l’amélioration du marché

Selon les premières statistiques d’Art Sales Index pour les ventes d’œuvres d’art 96-97, sa part de marché s’est encore réduite

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 29 août 1997 - 1138 mots

Nous publions en exclusivité les premières statistiques de la saison 1996-1997 établies par l’Art Sales Index à Londres. Celles-ci montrent un relatif affaiblissement de la France et de l’Europe continentale. Américains et Britanniques se partagent l’essentiel des produits d’une progression notable du marché. Mais en Europe continentale, les évolutions divergent. Si la France maintient globalement son volume et son chiffre d’affaires, elle ne bénéficie pas de l’amélioration sensible des prix qui a tiré la croissance.

PARIS. Le  marché a été porté par les prix. Il est important d’observer que le nombre de lots vendus est resté remarquablement stable : de 20 822 à 20 804 aux États-Unis, de 31 297 à 32 326 au Royaume-Uni ( 3 %), de 12 788 à 13 100 en France ( 2 %), et de 3 820 à 4 067 en Suisse ( 6 %). C’est donc l’évolution des prix qui a entraîné la hausse du chiffre d’affaires. Si la hiérarchie du prix moyen dans les principales places est restée identique – Paris : 47 900 francs, Londres : 98 227 francs, New York : 253 147 francs –, place par place, l’évolution a été sensiblement différente : stable en France ( 1 %), en hausse sensible en Grande-Bretagne ( 21 %) et forte aux États-Unis ( 37 %). Les œuvres de prix semblent continuer à aller vers les Anglo-Saxons.

L’évolution des prix a joué en faveur des États-Unis
Il résulte mécaniquement de ces augmentations différentielles de prix pour un volume stable d’objets vendus que les parts de marché des États-Unis et de la Grande-Bretagne se sont accrues en valeur absolue (de 6,98 à 9,073 milliards de francs ; 24,8 % pour la Grande-Bretagne et 38,60 % pour les États-Unis), et en valeur relative (de 73,1 à 75,8 % des produits recensés). En valeur relative, cette progression s’est faite au détriment de l’Europe continentale, dont la part globale passe de 20,76 à 18,23 % du marché mondial, et celle de la France de 6,90 à 5,60 %. Dans la compétition entre Londres et New York, l’évolution des prix a joué en faveur des États-Unis, qui passent de 44,10 à 47,34 %, celle de Londres baissant d’un demi point. Compte tenu du caractère florissant de l’économie américaine et d’une évolution de change un peu moins favorable à la livre – son appréciation plus précoce a pesé sur les adjudications en sterling –, les Britanniques l’emportent toujours à l’indice de performance, même si les Américains restent nettement en tête. Faute de statistiques sur les invendus, il est difficile d’affirmer avec certitude que l’offre n’a pas encore embrayé sur la demande. La demande restant sélective, le niveau de prix est peut-être encore insuffisant pour attirer les meilleures pièces. On serait donc plutôt encore en phase de consolidation.

Fortes disparités en Europe continentale
En Europe continentale, les évolutions sont contrastées entre les différents États, que l’on peut répartir en quatre groupes. L’Allemagne et le Danemark sont à la traîne (environ -10 % et une baisse sensible des lots vendus). La France et la Suisse stagnent (respectivement 3,70 % et 5,90 %), avec des nombres de lots et des prix moyens en faible évolution. La Belgique, l’Italie et la Suède croissent plus significativement (respectivement 16 %, 14 % et 16 %) ; l’Italie progresse par accroissement des volumes, la Belgique et la Suède du fait des prix. Enfin l’Autriche, l’Espagne et la Hollande enregistrent des progressions spectaculaires ( 79 %, 56 % et 62 %). La vente "Mauerbach" a poussé le score de Vienne, mais aussi attiré l’attention sur une capitale qui pourrait jouer un rôle accru ; en Espagne, seule la hausse des prix moyens explique la progression ; en Hollande, la croissance se fait en volume ( 24 %) et en prix ( 30 %). La baisse de l’Allemagne, la stagnation de la France et de la Suisse imposent la corrélation avec les évolutions économiques et monétaires récentes qui y sont similaires et la sinistrose également développée. Elles relativisent quelque peu les interrogations sur le droit de suite et la TVA, puisque la même déprime semble frapper des États soumis à des régimes différents.

La France un peu plus marginalisée
Le produit total des trois premiers compétiteurs, États-Unis, Grande-Bretagne et France, a progressé de 6 980 à 9 073 millions de francs entre les deux saisons, soit une hausse importante ( 30 % et 2 093 millions de francs) dont les États-Unis empochent 1 427 millions (68 %) les Britanniques 644 millions (31 %). Aux Fran­çais ne reviennent hélas que des miettes (22 millions, soit 1 %), mais ils participent encore au festin, même si leur part du marché mondial revient de 6,90 à 5,60 %, et de 8,7 à 6,9 % du total des trois leaders. C’est aussi le prix d’une crispation hexagonale, trop longtemps fixée sur un statut protecteur et où seules quelques individualités manifestent encore un réel esprit de conquête. La progression des prix, tirée par l’euphorie économique américaine, a marqué cette saison. Mais ce sont encore les Britanniques qui ont su en tirer le meilleur parti, en défendant la position de Londres tout en occupant celle de New York. Bien qu’ils se montrent ouvertement "euro­sceptiques" et que nous ayons encore quelques préventions contre leur cuisine, sans doute est-il temps qu’ils prennent place à notre table, en y apportant bien sûr quelques provisions et leur savoir-faire ?

Précautions
Ces statistiques, qui ne sont pas définitives, ne portent que sur les ventes de tableaux, d’œuvres graphiques – à l’exclusion des gravures et des estampes –, de sculptures et de miniatures. Elles ne sont donc pas directement comparables avec les chiffres fournis par les commissaires-priseurs français, dont la définition des œuvres d’art est beaucoup plus large. Il faut aussi porter attention aux importantes variations de change de la période, en particulier les hausses de la livre et du dollar contre les monnaies du SME et le yen, celle de la livre étant plus précoce et plus accentuée. Dans le même temps, les monnaies européennes – deutschemark et franc français, mais également le franc suisse – perdaient du terrain. Pour donner la mesure des incidences du change, il suffit de relever que selon qu’on exprime l’évolution en valeur du marché en francs français, en dollars ou en livres sterling, sa croissance apparente est de 28 % (de 8 719 à 11 135 millions de francs), 16,3 % (de 1 720 à 2 000 millions de dollars) ou enfin 9,2 % (de 1 119 à 1 223 millions de livres). Il faudrait donc lire les statistiques en rapportant les évolutions à la monnaie du pays ayant enregistré les transactions, ce qui rendrait l’interprétation plus précise, sans toutefois en corriger totalement les effets dans un marché très internationalisé. Commentant ces chiffres de Paris, nous avons pris le parti de les examiner sur la base des données en francs français.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°42 du 29 août 1997, avec le titre suivant : La France n’a pas bénéficié de l’amélioration du marché

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