La feria espagnole toujours à la pointe des découvertes

Par Marie Maertens · L'ŒIL

Le 1 février 2003 - 1006 mots

Pour sa vingt-deuxième édition, la plus grande foire espagnole d’art moderne et contemporain ne déroge pas à sa réputation en accueillant deux cent soixante-quinze galeries de vingt-neuf pays, les galeries locales ne représentent d’ailleurs que 39 % du total, preuve que cette manifestation est largement tournée vers l’étranger. Au programme, des sections mettant en avant de jeunes artistes mais aussi les classiques de l’histoire de l’art et, cette année, un engagement politique important avec une attention marquée vers les artistes exilés d’Amérique latine.
La Suisse est le pays invité pour 2003, donnant lieu à une série d’expositions intitulée « Madrid regarde la Suisse », coordonnée par la Fondation pour la culture Pro Helvetia et diffusée dans la ville, notamment au Centro Cultural Conde Duque, au Musée d’art Reina Sofia ou encore à la Fondation Juan March. Les utilisateurs du métro madrilène pourront aussi admirer des installations de Fabrice Gygi ou Christoph Büchel et des vidéos artistiques.
Parmi les nouvelles sections, on découvrira dans UP & COMING la programmation de cinquante-quatre jeunes galeries sélectionnées par quinze commissaires. Les galeries ne sont d’ailleurs pas toutes si récentes, comme le montre la présence de Marian Goodman, mais c’est l’antenne parisienne et la défense des jeunes artistes français qui sont ici mises en avant. La galerie présente un one-man show de Pierre Huyghe, l’artiste ayant réalisé un environnement architectural spécialement pour la foire. Nombre d’autres galeries se font remarquer par leur engagement, notamment grâce au commissaire Antonio Zaya, éditeur de la revue Atlántica, qui est à l’initiative de la thématique sur les artistes sud-américains en exil. Dot galerie (Suisse) expose ainsi parmi ses pièces phares les sculptures en acrylique transparent de Marta Chilindro, comme Woman de 2001, à 5 000 euros. Cette artiste expatriée travaille sur le déplacement et la distorsion de l’environnement domestique. La galerie Monique Melloche (USA) présente également trois artistes de ces contrées : Carla Arocha, Laura Mosquera et Alison Ruttan. Les deux premières s’intéressent aux rapports et limites entre la peinture et la mode, la troisième s’interroge, par le biais de la vidéo Nancy de 2001, sur la manipulation des films pornographiques. Debs & Co (USA), dont c’est la première foire européenne, a quant à elle prévu un programme politisé d’artistes contemporains avec notamment un documentaire de la Palestino-Américaine Emily Jacir, des dessins et sculptures inspirés de la guerre froide par Dominic McGill (dessins de 4 000 à 7 000 dollars) ou encore des peintures sur l’iconographie des mouvements révolutionnaires de Carrie Moyer dont cette Believe in Ruins de l’année 2 000 à 6 000 dollars. De façon plus légère, Plus Ultra (USA) dévoile le travail de Jennifer Dalton qui s’adresse à de jeunes collectionneurs avec une présentation Powerpoint de Contemporary art according to Jen éditée en cent exemplaires à 250 dollars l’unité. Alexander and Bonin (USA) a porté son choix sur des photographies de l’artiste Willie Doherty de 2002 à 9 000 euros.
Un autre espace dévolu à la création contemporaine est le secteur ART UNKNOWN. L’équipe de commissaires en charge de cette partie y a notamment sélectionné la galerie Luis Adelantado (Espagne) avec une vidéo de Joan Morey intitulée Terrorism, sans rapport avec l’actualité puisqu’il s’agit ici de violence sexuelle. Chez Chantal Crousel, les vidéos du jeune artiste égyptien Hassan Khan traitent de la difficulté d’exprimer sa propre identité et son individualité (de 3 000 à 15 000 euros). Quant à Andrea Crociani, représenté par Juliane Wellerdiek (Allemagne), il s’est intéressé par sa vidéo 4 Boxing Clubs in Northern Italy de 2002, au monde de la boxe, à ses stéréotypes, questionnant indirectement sur le thème de la violence et des rapports de pouvoir au sein de notre société.
Hors de ces sections, on trouvera aussi de belles pièces dans les œuvres plus classiques, notamment un Pied en terre chamotée de Tàpies de 2002 à 70 000 euros chez Lelong, des peintures du même auteur chez Toni Tàpies (Espagne), deux œuvres de Picabia, Le Mirage de 1929 et Danseuse de French Can-Can de 1940 chez Patrice Trigano et un one-man show Panamarenko chez Deweer (Belgique). L’artiste belge a créé pour ce stand un nouvel engin volant, sorte de libellule d’une envergure de dix mètres. Parmi les autres sculptures, For Fredericka and Ian, 4 de Dan Flavin, une installation de 1987 composée de cinq lumières fluorescentes, se trouve chez Elvira González (Espagne) et Ring of Huesca Field Stones de Richard Long, daté de 1995, est exposé chez Mário Sequeiro (Portugal) à 80 000 euros. De Thomas Hirchhorn, des éléments des séries Fifty-Fifty ou Minus de 1989 et Lay-Outs de 1993 sont proposés chez Susanna Kulli (Suisse), quant à la galerie Pudelko (Allemagne), elle expose un show spécial de céramiques signées Picasso. Pour les amateurs de la période où De Chirico s’est rebellé contre l’« esprit moderne », la galerie Torbandena (Italie) vend un Dioscuro de 1932 à 110 000 euros.
Disséminées dans la foire, d’autres découvertes valent encore le détour : José Manuel Ballester, présenté comme l’un des plus brillants jeunes artistes espagnols du moment, et son cybachrome Barajas de trois mètres à 15 000 euros chez Estiarte (Espagne) ou encore les photos d’Alain Pino, qui n’a jamais été exposé dans une foire, chez la Cubaine La Casona. Le couple van den Berg suggère de se reposer à l’air vivifiant, mais totalement virtuel de l’hôtel Vue des Alpes chez Nicolas Krupp (Suisse). Une collaboration originale est aussi à remarquer chez Lipanjepuntin (Italie) qui a réuni les deux artistes Jacopo Bedogni et Nicolò Massazza, respectivement photographe et vidéaste, à l’écrivain Michel Houellebecq, afin d’adapter son texte Rester Vivant en vidéo, dont la projection aura lieu pour la première fois à la foire.
Enfin, on nous promet cinquante-cinq débats et deux cents intervenants sur des sujets aussi divers qu’Art, business et société, Art et espaces publics, Nouvelles visions de nouveaux commissaires, L’art de collectionner l’art, Les plus grandes galeries du monde, Art et féminisme, Nouveaux musées, Nouvelles technologies...
Une foire résolument tournée vers l’avenir.

MADRID, parque Ferial Juan Carlos I, tél. 00 34 91 722 5017. 13-18 février.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°544 du 1 février 2003, avec le titre suivant : La feria espagnole toujours à la pointe des découvertes

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