La crise remet les pendules à l’heure

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 23 janvier 2009 - 818 mots

La récession économique ne frappe pas tous les segments de la même manière. État des lieux des hauts et bas du marché de l’art.

La crise a souvent ceci de bénéfique qu’elle permet un grand nettoyage de printemps corrigeant les outrances et réhabilitant des artistes habituellement noyés par l’excès de glamour et de paillettes. « Dans un brouhaha moindre, il est important de redonner du temps au regard et éviter le sens unique obligatoire », observe le commissaire-priseur François Tajan.

Soupes chaudes et douches froides
Aussi verra-t-on en 2009 un grand nombre de revivals d’artistes sous-cotés comme Peter Saul (lire ci-contre), dont les dessins proposés par Charlotte Moser avaient fait sensation au Salon du dessin contemporain en mars 2008. Son ironie mordante a inspiré non seulement certains tenants de la Figuration narrative, comme Bernard Rancillac, mais aussi ses confrères américains. Pour l’heure, ses prix oscillent entre 30 000 et 150 000 dollars (22 000 et 110 000 euros).
« En revanche, toute une génération qui a explosé dans les années 1990 va souffrir comme ont souffert en leur temps l’hyperréalisme ou la Transavangarde », prédit le courtier Marc Blondeau. Si Takashi Murakami et Damien Hirst prendront du plomb dans l’aile pour avoir trop produit, Jeff Koons pourrait lui être épargné. « La spéculation a été relative car il y a peu d’œuvres, précise Marc Blondeau. Il rebondira par rapport à un marché américain qui a toujours suivi. L’Amérique ne laisse pas tomber ses héros. » Ce qui n’est pas le cas de la Chine. Toute une peinture pop pour l’export qui avait envahi les ventes publiques en prendra plein son grade, juste retour du balancier.
Il est toutefois des secteurs où les variantes restent infimes, plus liées à des évolutions de goût qu’à la récession. C’est le cas du mobilier du xviiie siècle. « On a pu constater en 2008 que tout ce qui était beau et original s’est vendu. Les gens ne veulent pas juste des beaux objets, mais de “très” beaux objets », précise le spécialiste en mobilier, Bill Pallot. Très beau mais plus à n’importe quel prix. Ainsi la commode de BVRB I ayant appartenu à Louis-Charles de Machault s’est adjugée le 16 décembre 2008 chez Christie’s à son estimation basse de 4 millions d’euros. « Elle aurait fait 6 à 8 millions d’euros avant septembre », admet Bill Pallot.
La baisse des prix est mesurable sur les six derniers mois. Une paire de bas d’armoire provenant de l’Hôtel de Masseran, adjugée en juin pour 1,2 million d’euros chez Osenat, s’est contentée de 510 000 euros lors de son second passage en vente en décembre. Pour Bill Pallot, il faut continuer à acheter du beau mobilier XVIIIe, d’autant plus qu’on peut décrocher certaines pièces jusqu’à 50 % moins cher.

Tableaux et pierres anciens : toujours des valeurs sûres
Côté tableaux anciens, le marché se caractérise par une certaine constance. Ainsi le 5 décembre 2008 à Londres, Sotheby’s a totalisé 12 millions d’euros pour une vente estimée entre 10 et 14 millions d’euros. L’auctioneer récidive d’ailleurs le 29 janvier avec une dispersion évaluée à 59 millions d’euros, un montant désormais inconcevable pour une vente d’art contemporain à New York… Pas de fanfaronnade pour autant ! « Tout ce qui est entre 5 000 et 30 000 euros peinera à se vendre. En dehors des grands noms, la peinture du xviiie siècle reste sous-cotée », souligne Nicolas Joly, spécialiste de Sotheby’s.
Les pierres, surtout le diamant, observent depuis deux mois des prix en dents de scie après des années de hausse. « Les cours ont baissé de 30 à 40 % par rapport aux six premiers mois de l’année. L’époque où l’on pouvait vendre un diamant à 200 000 dollars le carat est terminée », constate François Curiel, président de Christie’s Europe. En décembre dernier, une paire de diamants poire d’environ 17 carats s’est adjugée chez Christie’s pour 3,55 millions de dollars, soit 102 000  dollars le carat. « Elle aurait probablement fait 150 000 dollars le carat au début 2008, mais seulement 80 000 dollars le carat en 2006 », indique François Curiel. Celui-ci conseille de se reporter sur les pierres anciennes, lesquelles verront sans doute leurs prix progresser dès que le marché redémarrera.

Repères

La prime à l’ancien
En temps de crise, le repli sur les valeurs sûres est naturel. Pour les pierres, mieux vaut favoriser les anciennes, comme les diamants Golconde. Pour les tableaux, la peinture française des xviie et xviiie siècles reste un bon créneau.

Les revivals
Les collectionneurs ont tout intérêt à se plonger dans les artistes confidentiels mais fondamentaux, comme Fred Sandback, Peter Saul, Wallace Berman ou Thomas Bayrle.

Jeunes artistes abordables
Il est fini le temps où un jeune artiste se vendait pour 50 000 dollars après une seule exposition. L’heure est au raisonnable et au raisonné et les jeunes créateurs aux prix accessibles, comme Raphaël Zarka, ont tout à y gagner.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°610 du 1 février 2009, avec le titre suivant : La crise remet les pendules à l’heure

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