Galerie

ART CONTEMPORAIN

La constellation de Daniel Pommereulle

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 26 mai 2021 - 643 mots

La galerie Christophe Gaillard a rassemblé autour des œuvres de l’artiste celles de ses pairs, amis ou admirés.

Paris. Daniel Pommereulle (1937-2003) s’est cassé une jambe en 1977. Cet accident n’aurait guère d’intérêt s’il ne correspondait au moment où il s’est remis à la peinture, qu’il avait arrêtée en 1963. Alité, face à la fenêtre de sa chambre en Camargue, il réalise alors une série d’aquarelles dont l’une d’entre elles, Sans titre-Objet du couchant est présentée dans l’actuelle exposition « Dans l’œil de Daniel Pommereulle ». Ce papier de petit format qui montre un coucher de soleil dialogue avec un autre, signé d’Eugène Delacroix, daté de 1832, ainsi qu’avec une grande toile de lumière de Pieter Vermeersch datée, elle, de 2018.

Ces trois œuvres, parmi les six présentées dès l’entrée de la galerie sur cour, donnent le ton de cet accrochage collectif soigné et érudit, qui correspond à l’un des chapitres de la thèse qu’Armance Léger, doctorante à l’École normale supérieure, est en train de terminer sur Pommereulle. Commissaire de l’exposition engagée par Christophe Gaillard pour travailler, entre autres, sur l’artiste et sur l’élaboration de son catalogue raisonné, depuis que la galerie a récupéré sa succession il y a cinq ans, elle précise que « le propos de cette sélection est d’entrer dans l’œuvre de Pommereulle par le contact, le dialogue avec d’autres artistes ». Aussi bien des maîtres plus anciens, que ses contemporains ou d’autres plus jeunes qu’il n’a pas connus.

En bonne compagnie

Chronologique, l’accrochage souligne très bien ces rapprochements et correspondances dès la première salle, celle de la galerie sur rue, axée sur les années 1960-1970 et la période des objets. Autour d’une sculpture emblématique Objet de prémonition [voir ill.], un pot de peinture vide, retourné et hérissé de couteaux et scalpels sont présentés une sculpture d’Erik Dietman (dont il était proche), les Clous expressifs (1977) d’Hervé Télémaque (un autre copain), mais aussi le fer à repasser Cadeau de Man Ray (1932) ou, plus récente, une sculpture-installation de David Douard (2020). Mais on y voit également une de ses grandes encres sur papier marouflé de 1962 qui rime joliment avec des dessins de Bernard Réquichot et d’Henri Michaux que Pommereulle connaissait et admirait.

On retrouve également ce principe dans une autre salle, avec un très beau Brûlure du ciel composée d’une feuille de papier bleu, trouée par des brûlures de cigarettes, qui laisse apparaître une autre feuille jaune en dessous et fait écho, entre autres, à une paire de bronzes polis, Concetto Spaziale, de Lucio Fontana ; ou encore dans la dernière salle d’étonnantes rencontres avec Takis, Pier Paolo Calzolari, Rebecca Horn, Éric Baudart, etc.

En ce qui concerne Pommereulle, l’ensemble montre parfaitement que, quels que soient ses supports, ses séries, ses séquences – dans une judicieuse formule, Jean-Christophe Bailly dit de l’artiste qu’il travaillait « en rafales »–, toute son œuvre est traversée des mêmes thèmes et obsessions : une filiation avec le surréalisme, les armes et objets contondants, le rapport au corps meurtri, comme autant de douloureuses réminiscences de son service militaire accompli pendant la guerre d’Algérie, l’attirance vers le ciel, les astres, la lumière, etc. Autant d’aspects que les cinquante-trois œuvres de trente-cinq artistes, issues de vingt-cinq prêteurs (aussi bien des galeries et collections privées que la Fondation Giacometti ou la dotation Jean-Jacques Lebel), prennent comme fils conducteurs.

Même si elle n’est donc pas exclusivement consacrée à Pommereulle, cette 4e exposition proposée par Christophe Gaillard depuis la première en 2012 (en collaboration avec la galerie Di Méo) montre toute la profondeur, la diversité, la richesse, la subtilité de cette œuvre assez mal connue, dont l’auteur, dandy, noctambule, voyageur en paradis artificiels, difficile à vivre – c’est un euphémisme –, raréfiant sa production, refusant le marché, a de son vivant volontairement négligé sa carrière.

Entre 12 000 et 45 000 euros, ses prix raisonnables rappellent qu’il n’a pas encore eu la reconnaissance qu’il mérite.

Dans l’œil de Daniel Pommereulle,
jusqu’au 26 juin, Galerie Christophe Gaillard, 5, rue Chapon, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°568 du 28 mai 2021, avec le titre suivant : La constellation de Daniel Pommereulle

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