La collection Marcellin et Madeleine Castaing chez Sotheby’s

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 1 septembre 2004 - 594 mots

Voici une vente qu’on ne doit pas aborder de manière traditionnelle, en cherchant dans le catalogue des chefs-d’œuvre prompts à déchaîner les passions. La collection Marcellin et Madeleine Castaing que Sotheby’s dispersera les 30 septembre et 1er octobre prochains n’en recèle pas, et l’estimation est modeste entre 550 000 et 750 000 euros. Il faut plutôt s’imprégner de l’atmosphère particulière de leur datcha Directoire située à Lèves près de Chartres, y traquer l’âme de Madeleine Castaing, grande prêtresse de la décoration décédée en 1992. Son nom est accolé au bleu turquoise qu’on retrouve sur les volets de sa demeure, aux rayures bayadères et aux sièges gainés de léopard. Un nom aussi associé à la ruche de Montparnasse, à Erik Satie, Jean Cocteau ou Blaise Cendrars qui voulait qu’elle joue dans un film inspiré de madame Bovary. Femme de tête, souvent impertinente, modifiant son apparence au gré des modes, elle aura formé une génération de décorateurs, comme Jean-Louis Riccardi et Jacques Grange. On sent dans la demeure de Lèves, un air très Mittle Europa, des
relents d’Un mois à la campagne de Tourgueniev ou de la Cerisaie de Tchekhov. En déambulant dans cette maison de poupée aux proportions humaines, on éprouve le sentiment d’être hors du temps. Tout ce qui pourrait passer pour du mauvais goût comme les meubles Napoléon III gainés de velours émeraude ou la moquette panthère relève plus de la provocation, de son esprit rebelle. Étonnamment, on ne déniche aucune rareté bibliophilique dans cet ensemble. Pourtant Marcellin Castaing fut critique littéraire. Son fils Michel devint un grand expert en autographes, flambeau repris par le petit-fils, Frédéric, aujourd’hui président du Syndicat des libraires. On regrette presque que cette vente « sans contrainte », comprenez sans prix de réserve, n’ait pas lieu in situ, dans la grande tradition des house sales anglaises. Car les indiscrets aux tissus fanés et les sièges en rotin brinquebalants auraient plus de chance de trouver preneurs inscrits dans leur propre élément plutôt que dans une froide salle de vente. « Pour des questions de logistique et de sécurité, une telle vente y serait inenvisageable », rappelle Philipp de Wurtenberg, président de Sotheby’s France. L’autre regret pour ceux qui se déplaceront à Lèves sera de ne pas y voir les sept tableaux de Chaïm Soutine que Sotheby’s a cédés pour un total de 3,6 millions de livres sterling en juin dernier à Londres. Car les Castaing comptent parmi les principaux mécènes de cet artiste rugueux et fier.
Tellement fier qu’il aura dédaigné les 100 francs que Marcellin Castaing lui proposait pour acheter un tableau qu’il avait à peine regardé ! Le couple aura possédé quarante tableaux dont certains furent vendus ou offerts en dation. On s’étonne d’abord que ces œuvres aient été dissociées de l’ensemble alors que les impressionnistes de Franco Cesari n’ont pas déserté Paris en juin dernier. Mais, en y regardant de près, ces peintures ne forment pas corps avec le reste des objets. D’ailleurs les Castaing n’auront pas vraiment été collectionneurs de tableaux mais plutôt des amoureux de Soutine. La maison, qui n’a pas été habitée depuis une dizaine d’années, et ses six-sept hectares de terrain ont été confiés à l’agence Lamy pour une estimation d’1,5 million d’euros. Après l’appartement parisien de Madeleine Castaing acheté par le producteur de cinéma Ismail Merchant, le magasin de l’angle de la rue Jacob transformé en salon de thé Ladurée, il ne reste de cette grande dame que des souvenirs...

Vente les 30 septembre et 1er octobre, Sotheby’s, PARIS, 76 rue du Fg Saint-Honoré, VIIIe, tél. 01 53 05 53 05, www.sothebys.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°561 du 1 septembre 2004, avec le titre suivant : La collection Marcellin et Madeleine Castaing chez Sotheby’s

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque