bilan

La céramique de l’après-guerre s’envole

L'ŒIL

Le 1 avril 2002 - 822 mots

Le purgatoire s’achève, la céramique de l’après-guerre s’envole, les ventes sont là pour le montrer. A la fin des années 80, les marchands Philippe Jousse et Patrick Seguin, Alan et quelques autres font un véritable travail d’archéologues. Ils fouillent, découvrent, étudient... Le résultat ne se fait pas attendre. La vente Le Regard d’Alan (6 octobre 1991, étude Binoche) est une énorme surprise. Pour la première fois, des céramiques de Georges Jouve, Roger Capron, Elisabeth Joulia, Guidette Carbonnel... dûment cataloguées, jouxtent les meubles de Royère, Noll et du binôme Prouvé-Perriand. Les acheteurs sont au rendez-vous. Jeunes collectionneurs et galeries françaises, américaines, allemandes, suisses, au coude à coude, foncent sur la marchandise. Les vases et coupes de Jouve s’enlèvent à des prix élevés : 20 508 F pour un vase Coq vers 1950 et 16 628 F pour un vase sphérique vers 1960. Pour les autres, c’est moins évident : Elisabeth Joulia culmine à 4 434 F. Quant à Capron, une paire de cruches de l’artiste se négocie péniblement à 1 219 F. Mais qu’importe, le coup d’envoi est donné. Dix ans plus tard où en est-on ? La situtation a radicalement changé. Plusieurs ouvrages ont paru, celui d’Anne Lajoix L’Age d’or de Vallauris  en 1995 et tout récemment celui de Pierre Staudenmeyer, La Céramique française des années 50. Côté prix, c’est l’explosion. Jouve, en bonne place pourtant en 1991, a fait un pas de géant. Des céramiques de l’artiste, décorateur avant de s’installer dans les années 50 à Aix-en-Provence, obtiennent désormais des enchères à six chiffres. L’an dernier, La Poule blanche part à 377 705 F, plus de quatre fois l’estimation (22 mai, étude Le Mouël, Hôtel Drouot). Dans la même vente, une Patte d’ours estimée 3 000 F monte à 8 972 F. La vente du 27 janvier dernier confirme ces résultats : une paire de statuettes partant à 5 538 euros et tout récemment (étude de Dianous, Marseille, 23 février), on a donné 42 090 euros pour une table basse en céramique. Or, d’après les spécialistes, la marge d’appréciation est encore importante, s’agissant d’un des céramistes majeurs de l’après-guerre. Autre exemple, Roger Capron, installé à Vallauris. Son atelier, dans les années 50, employait plus d’une trentaine de personnes. Après, il plonge dans l’oubli. « Jusqu’à une date récente, sa production était jugée sympathique, ludique, mais ne suscitait pas un grand interêt », assure Jean-Marcel Camard. Le 22 mai 2001 (étude Le Mouël, Hôtel Drouot), d’un seul coup, tout bascule, on jette un tout autre regard sur son œuvre : des pièces sont adjugées 2 110 et 2 448 euros le 25 janvier dernier (étude Le Mouël, Hôtel Drouot), une coupe est partie à 1 218 euros, plus de trois fois l’estimation. En un an, la cote a bondi de belle façon. Dans la vente de mai-juin, il y aura des pièces très fortes de Capron, estimées entre 2 300 et 3 000 euros. Selon l’expert, elles feront l’objet de toutes les convoitises. Bref, il y a peu, on chinait cette céramique pour pas grand chose. Maintenant, on la paye. Parmi ceux qui ont bénéficié du renouveau, Pol Chambost. Les pièces de cet artiste, sculpteur de formation, très pures, à l’émaillage de toute beauté, sont désormais recherchées. Il y a trois ou quatre ans, on y regardait encore à deux fois avant de les acheter. Le cas le plus étonnant est celui de Jacques et Danièle Ruellan. Ces artistes, longtemps installés rue de Buci, aujourd’hui dans le midi, sont toujours restés d’une grande discrétion. Ils ont refait surface en 2000 lors de la soirée des Puces grâce à un jeune marchand plein de talent, Thomas Fritsch. Depuis quelques années, ce dernier rassemble ces bouteilles et ces vases, toujours légèrement asymétriques, d’une extrême élégance. Lors de la vente du 25 janvier, ils ont fait un malheur : 4 209 euros pour une bouteille soliflore vert vif estimée 610 à 760 euros, 3 545 euros pour une autre blanc gris annoncée à 500 euros et 2 326 euros pour une bouteille noir anthracite dont on attendait 610 euros. 16 pièces au total et une opération se montant à 28 577 euros. Or cette collection avait été chinée en une seule fois l’an dernier pour environ 1 800 euros. Une plus value comme en connaît rarement le marché de l’art !

- Jean-Jacques et Bénédicte Wattel, 2, villa Saïd, 75016, Paris, tél. 01 45 01 61 18.
Galerie Patrick Seguin, 5, rue des Taillandiers et 34, rue de Charonne, 75011 Paris, tél. 01 47 00 32 35.
Christine Diegoni, 47 ter, rue Orsel, 75018 Paris, tél. 01 42 64 69 48.
Ebene, 1, rue des Abbesses, 75018 Paris, tél. 01 42 58 43 26.
Complément D’objet, 11, rue Jean-Pierre Timbaud, 75011, Paris, tél. 01 43 57 09 28.
XXO (Xtra Xtra Original), 5, square Vitruve, 75020 Paris, tél. 01 40 30 09 57.
Spaceage, 4, rue Tiquethone, 75002 Paris, tél. 01 40 28 46 09.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°535 du 1 avril 2002, avec le titre suivant : La céramique de l’après-guerre s’envole

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