José Martos, directeur de galerie à New York

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 4 juin 2008 - 830 mots

« Je dois me battre davantage pour les créateurs français »

José Martos est directeur de la Martos Gallery à New York depuis septembre 2007.

Quel est votre parcours ?
De 1991 à 1993, j’ai eu une galerie à Saint-Barthélemy (Antilles françaises). Je ne connaissais alors pas grand-chose, mais je voyais que le monde de l’art venait là, des gens comme Tony Shafrazi ou Larry Gagosian. Lorsque j’arrive à New York en 1993, je travaille à la Keith Haring Foundation puis, en 1996, j’ouvre la KaganMartos Gallery à West Village avant de déménager dans Soho. Avec mon associée, nous mélangions alors des artistes jeunes et moins jeunes. On a aussi fait plusieurs expositions de Keith Haring. Ensuite, j’ai arrêté et rouvert l’an dernier une galerie à mon nom.

Pourquoi, en termes de marché, Keith Haring est-il longtemps resté dans l’ombre de Jean-Michel Basquiat ?
Haring était un artiste qui prenait position, essayait de responsabiliser les gens par rapport à ce qui se passait dans le monde, sans souci de faire carrière. Il s’est réinventé et a pris plus de risques que Basquiat. Mais il n’est pas mort [auréolé] de glamour, alors qu’il y a un romantisme autour du décès de Basquiat. Les gens achètent des œuvres par branchitude, ils ont deux Mercedes dans le garage, mais en ayant un artiste black junky au mur, ils s’estiment cool. Être gay et mort du sida ne jouaient pas en faveur de Haring. Il y a eu une grande ignorance et un grand silence autour de cette maladie. Les rétrospectives au Whitney Museum of American Art (New York) en 1997 puis au Musée d’art contemporain de Lyon cette année ont permis de changer la perception de son travail. Lorsque j’ai fait ma première exposition de Haring en 2003, j’ai dû acquérir des œuvres à 140 000-180 000 dollars [118 370-152 200 euros], au double des prix habituels du marché, pour être sûr d’avoir les meilleures. Pendant un an, je n’ai rien vendu, puis le collectionneur Lawrence Graff m’en a acheté. Maintenant ces tableaux valent 1,4 à 1,6 million de dollars. Une fois que les gens auront exorcisé le tabou de la mort et de l’homosexualité, les prix de Haring atteindront ceux de Basquiat.

Votre ancienne galerie associait premier et second marché. Ce mélange est-il mieux perçu aux États-Unis qu’en France ?
Je ne voulais pas de financier, et je ne suis pas un héritier, donc le second marché était nécessaire pour faire vivre la galerie. Beaucoup de gens associent le second marché à de la spéculation, ce qui n’est pas le cas. Mon problème, c’est que je suis aussi collectionneur, et que je ne revends pas ce que j’achète pour moi. Mais c’est un handicap d’arriver dans une galerie avec une carte de visite de marchand. Je suis parfois obligé d’acheter des artistes que j’aime pour ma propre collection, comme Jim Lambie, à l’étranger ou en ventes publiques.

Depuis l’ouverture de votre galerie, vous avez présenté trois artistes de la galerie Grégoire Maisonneuve à Paris : Servane Mary, Jan Kopp et Mathieu Briand. Un choix étrange car vous avez plutôt un profil marchand tandis que la programmation de Maisonneuve est assimilée à celle d’un centre d’art.
Je trouve que Grégoire présente beaucoup de similitudes avec un galeriste que je respecte, Gavin Brown. Tous deux sont des puristes. Gavin s’était placé près du Holland Tunnel [l’un des deux tunnels autoroutiers de New York] parce qu’il voulait donner la priorité à son programme et ses artistes. Grégoire a fait la même chose à Paris. J’aimerais réussir à faire « exploser » à New York les graines qu’il a plantées en France. Il n’y a entre nous aucune obligation, chacun garde son indépendance. J’ai exposé quelques-uns de ses artistes. Cet été, il présentera dans un group show deux de mes artistes, Curtis Mitchell et Bill Albertini. Avec Grégoire, nous sommes complémentaires. Je suis entrepreneur, j’ai l’habitude de vendre des œuvres à un million de dollars. Je peux mettre la même énergie à vendre quelque chose à 1 500 dollars.

En montrant Jan Kopp en janvier à New York, avez-vous réussi à toucher un public que la galerie Maisonneuve n’aurait pu atteindre ?
Clairement. Jan Kopp a eu un petit article de Roberta Smith dans le New York Times. On a vendu une vidéo à une fondation américaine, la Mangusta Collection, et des œuvres sur papier. Tout l’intérêt de notre association est de disposer précisément de réseaux différents.

Le fait d’être un galeriste d’origine française est-il problématique à New York ?
Non. Gavin Brown est anglais, Anton Kern allemand, Lucien Terras français. Aux États-Unis, on vous donne une chance en fonction de qui vous êtes et non de qui vous représentez. Il faut compter cinq ou six ans de galère : soit on résiste, soit on s’évapore. Il faut toutefois admettre que je dois me battre davantage pour vendre des créateurs français ou vivant en France que les autres. Beaucoup de collectionneurs préfèrent acheter des artistes qui ont des potentiels de plus-value importants.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°283 du 6 juin 2008, avec le titre suivant : José Martos, directeur de galerie à New York

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