Marais

Jardin intérieur

Par Anaïd Demir · Le Journal des Arts

Le 17 novembre 2006 - 681 mots

En pleine saison photographique, un parcours multimédia des galeries du 3e arrondissement qui mène aussi à la sculpture et au dessin.

 PARIS - Novembre est pour Paris le Mois de la photo et un certain nombre de galeries se consacrent à ce médium dans toute sa diversité. Dans le Marais, le parcours est ponctué par les paysages de Xavier Zimmermann à la Galerie Polaris (1), des vues poétiques représentant la nature au ras du sol. Au-delà des frontières, le Polonais Zbigniew Libera nous entraîne dans l’irréel de ses « Nouvelles impressions d’Afrique » à la galerie Anne de Villepoix (1). Chez Laurent Godin (2), avec Rajak Ohanian, le voyage est autant géographique que spatio-temporel. D’origine arménienne, l’artiste a remonté la trace de son père, Garo, rescapé du génocide arménien, pour en restaurer le regard et la mémoire. À la Galerie Xippas (2), Valérie Jouve nous transporte, elle, à Rotterdam : ses photographies urbaines ainsi que son film à grande vitesse nous entraînent dans un mouvement perpétuel. Le temps est au contraire suspendu avec les imposantes photographies montées sur caisson lumineux de Jeff Wall. À la porte d’un club où des jeunes gens se bousculent ou dans l’étouffant salon de trois mamies en plein tournoi de bridge, l’artiste canadien impose, à la galerie Marian Goodman (1), une cadence paisible à ces prises de vue aux allures picturales. Les portraits d’Éric Nehr chez Anne Barrault (3) tiennent eux aussi du tableau. Monochromes et minimalistes, les visages photographiés sont surpris en pleine introspection. Tandis que Heather Bennett, chez Eva Hober (3) met tout en scène pour que ses photographies, comme des arrêts sur image, aient l’air extraites de fictions.
Mais les galeries du Marais ne montrent pas que de la photographie. Proche du réel et de l’esprit photographique, Olivier Sévère pratique, lui, la sculpture. Mais, à la galerie Baumet Sultana (3), ses « Trompe-l’œil » peuvent faire très mal, comme ce punching-ball en marbre. Autres détournements, à la galerie Addict (1), Olivier Kosta-Théfaine réinterprète les clichés habituellement véhiculés sur la chaude atmosphère des banlieues. Au plafond, à la manière des moulures qui ornent les salons bourgeois, l’artiste a réalisé une majestueuse rosace à la flamme du briquet. On passe de la ville aux champs avec « Parole d’insecte », l’exposition d’Angelika Markul à la Galerie Frédéric Giroux (2). Celle-ci accueille le visiteur au chant d’une colonie de cigales traquées dans une cabane. De multiples récits se tissent à travers ces installations et mises en scène filmiques dans lesquelles les insectes jouent le rôle principal.

Chevreuil perlé
Pour rester dans un esprit organique, chez Claudine Papillon (1), l’Espagnol Javier Pérez nous perd dans les métamorphoses de son rougeoyant Jardin intérieur : les branches ont des allures de bronches, des visages de marbre ont des airs utérins, et les crânes sont aussi fragiles que translucides. Autre rescapé d’un rituel inconnu : le chevreuil perlé de Myriam Mechita au centre de la galerie Éric Dupont (3). Des animaux sacrifiés, mais aussi des sculptures à paillettes, des tableaux de clous, et une pyramide de cartes à jouer l’accompagnent… Retour chez Anne de Villepoix (1), où le trait lascif et délié de Cathryn Boch est une découverte : dans un accrochage saisissant, ses dessins mettent en scène des corps fantomatiques dans un ballet d’une rare tension. De son côté, Alain Séchas offre une exposition lucide, pleine d’humour, d’histoire de l’art et de vérités, à la galerie Chantal Crousel (1). Du haut de ses deux mètres, une très imposante déesse Platée martienne toise les visiteurs, alors que l’Hommage à Émile Coué nous met sous hypnose pour nous libérer de tous nos maux. Figure de l’art conceptuel, Joseph Kosuth nous entraîne dans une marée textuelle chez Almine Rech (3) avec son installation composée de milliers de livres. Enfin, à la Galerie Cent8 (jusqu’au 16 décembre), Anne-Marie Jugnet et Alain Clairet nous plongent dans le bleu du ciel et ses variations atmosphériques. Bref, le Marais s’offre dans la variété et met l’accent sur les expositions personnelles en cette saison post-FIAC.

(1) jusqu’au 25 novembre.
(2) jusqu’au 9 décembre.
(3) jusqu’au 23 décembre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°247 du 17 novembre 2006, avec le titre suivant : Jardin intérieur

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