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ENTRETIEN

Jacques Melki, galeriste à Paris

« Je suis prêt à repartir »

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 15 octobre 2013 - 829 mots

PARIS

Jacques Melki, marchand d’art moderne des années 1970 au début des années 1990, a été emporté dans la tourmente de la crise du marché de l’art provoquée par la guerre du Golfe de 1990- 1991.

Sa galerie est mise en liquidation judiciaire en novembre 1993, deux mois après le dépôt de bilan. Quelques années plus tard, Jacques Melki est condamné à dix-sept mois de prison pour faux et usage de faux.

Vous avez été condamné en 2001 pour banqueroute frauduleuse…
Il est vrai que j’ai été condamné pour banqueroute frauduleuse, après neuf ans de procédures abusives. Il est à noter que, dans cette condamnation, neuf des dirigeants et présidents de banques ont été condamnés pour complicité et, pour certains, pour « banque illicite et commission d’usure ». Je voudrais dire ensuite qu’il n’y a jamais eu de banqueroute, puisque trois ans après nos condamnations, la société a été rétablie dans ses droits après extinction du passif. La preuve en est qu’elle a reçu 9 millions d’euros de boni de liquidation, soit, en d’autres termes, un bénéfice considérable et sans précédent. Le bilan a été déposé à mon insu avec toutes les conséquences que ceci a générées depuis dix-huit ans.

Où en êtes-vous des procédures judiciaires que vous avez vous-même intentées ?
Toutes les procédures sont éteintes, sauf une procédure judiciaire contre les liquidateurs successifs de la galerie, devant le tribunal de Créteil. À Créteil, parce qu’un événement sans précédent s’y est passé en 2006 : le président de la cour d’appel de Paris a rendu une ordonnance motivée contre le tribunal de commerce de Paris pour cause de suspicion légitime. Ce président a ordonné que toutes les affaires de la galerie Melki soient transférées dans une autre juridiction. Et à cette juridiction, je demande aux liquidateurs judiciaires 97 millions d’euros.

Quel est votre état d’esprit du moment ?
Certaines galeries ont profité de mon absence pour s’enrichir, comme se sont enrichis indûment certains acteurs de ce dossier. Dans les conclusions de Me Isabelle Didier, ceux qu’elle appelait au début de la procédure des « rétenteurs de bonne foi » sont devenus des « rétenteurs de mauvaise foi ». Il n’y a jamais eu une seule critique dans la presse spécialisée dans l’art depuis le début des problèmes. France 3 a traité de l’affaire dans son émission « Pièces à conviction » du 18 mai 2007 consacrée aux tribunaux de commerce, sous-titrée : « La machine à broyer ».

L’origine de vos déboires judiciaires remonte à la spéculation du début des années 1990, alimentée par des prêts bancaires trop généreux. La situation a-t-elle changé aujourd’hui ?
Les banques, au moins en France, prêtent moins d’argent aux galeries. En revanche la spéculation est mille fois plus importante qu’avant la première guerre du Golfe. Les montants en jeu étaient de l’ordre de 5 millions de dollars [9 millions de dollars actuels] ; aujourd’hui ils sont dix fois supérieurs. À l’époque les cycles de hausse et de baisse duraient en moyenne six ans, en 2013 ils semblent devoir durer des décennies.

Comment expliquer cela ?
Par la mondialisation, car il y a de nouveaux acheteurs en provenance de Chine, d’Inde, d’Azerbaïdjan. Je travaille avec la Chine depuis très longtemps et je constate l’accroissement considérable du nombre d’acteurs chinois. Et puis les grandes maisons de ventes sont maintenant à la manœuvre avec des moyens plus importants que ceux des galeries.

Pourquoi avoir ouvert une galerie en 2010 pour la refermer juste après ?
J’ai effectivement ouvert une galerie rue des Saint-Pères en exposant un jeune artiste, Clément Rosenthal. Il y avait beaucoup de monde au vernissage. Je l’ai fermée car je pensais que le moment de mon retour n’était pas encore venu.

Et maintenant ?
Maintenant je suis prêt à repartir. Je suis en négociation pour acquérir une galerie dans le 7e arrondissement à Paris où je vais exposer au printemps 2014 à la fois de jeunes artistes contemporains comme Pia Myrvold, artiste norvégienne de grand talent avec qui il faudra compter dans les années qui viennent, et des artistes du Paris des années 1950. Je suis persuadé que les collectionneurs peuvent revenir en galerie, pour peu qu’on leur présente des œuvres de qualité.

Le monde a changé ; quels sont vos atouts pour réussir ?
En quarante ans de carrière, j’ai vendu 25 000 œuvres d’art, des lithographies, gravures, dessins, gouaches, sculptures, huiles sur toile… J’ai gardé de très bons contacts avec plusieurs de mes collectionneurs, notamment en Chine, en Russie et bien sûr en Europe. Et puis je pense encore avoir un « œil » exercé pour reconnaître des tableaux de Staël, Poliakoff, Dubuffet, dont je suis un spécialiste. Je ne souhaite pas participer aux foires, alors que j’étais présent à la Fiac dès 1973, année de création de cette foire, et parallèlement à Bâle dès 1972.

Un projet de livre pour raconter votre expérience… ?
Non, je ne suis pas dans l’exhibitionnisme. Je veux aller de l’avant et démontrer mon savoir-faire.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°399 du 18 octobre 2013, avec le titre suivant : Jacques Melki, galeriste à Paris

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