analyse

Indian Tonic

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 3 février 2011 - 516 mots

Avec ses milliardaires comme Lakshmi Mittal ou la famille Ambani, listés par le magazine économique américain Forbes, l’Inde est l’objet de toutes les convoitises.

Ne serait-ce qu’en France au mois de mai, trois expositions viendront « couvrir » ce vaste sujet. Pourtant, dans le sous-continent, l’art contemporain est loin d’être une priorité. Certes, des artistes comme Subodh Gupta, Jitish Kallat ou Barthi Kher ont connu une vague spéculative très forte. Mais globalement, le marché a plutôt épousé la vitesse de l’éléphant sans connaître les embardées vertigineuses de la Chine ou de la Russie. Ainsi les ventes d’art chinois de Sotheby’s ont bondi de 12,9 millions de dollars (10,2 millions d’euros) en 2004 à 194 millions en 2007. Or les vacations indiennes sont passées de 2,5 millions de dollars en 2000 à plus de 25 millions de dollars en 2007. L’écart entre l’Inde et la Chine est saisissant. Depuis la crise, les collectionneurs se sont repliés sur les artistes modernes comme Sayed Haider Raza, lesquels ont toujours joui d’un marché domestique important. En revanche, la plupart des artistes indiens ont connu une baisse de 25 % à 50 % de leurs prix. « Le contemporain reste encore lent, mais c’est mieux ainsi. Les prix étaient devenus absurdes. On ne peut pas se permettre une nouvelle perte de confiance comme la crise en a suscité une », confie Shireen Gandhy, de la galerie Chemould Prescott Road (Mumbay). Néanmoins, l’argent est bel et bien là. Le musée privé ouvert à Delhi le 19 janvier par la collectionneuse Kiran Nadar en est la parfaite démonstration. Parmi les œuvres exposées, on remarquait un éléphant recouvert de bindis [« gouttes »] par Barthi Kher. Une pièce achetée pour 993 250 livres sterling (1,4 million d’euros) en juin 2010 chez Sotheby’s. C’est aussi à Kiran Nadar que l’on doit le record de 2,3 millions de livres (2,7 millions d’euros) pour une œuvre de Raza en juin 2010. Spécialiste de Christie’s, Yamini Mehta constate une progression des nouveaux collectionneurs dans chacune des ventes. « Beaucoup de ces acheteurs ont l’impression qu’il existe de très intéressantes opportunités d’achat. Ils ont envie de diversifier leurs biens », observe-t-elle.

Les nouveaux acheteurs représentaient d’ailleurs 40 % des ventes de la foire India Art Summit en 2009. « Des prix comme 5 millions de dollars n’effraient pas les Indiens. Ils peuvent réellement acheter à ces niveaux de prix, estime Neha Kirpal, directrice d’India Art Summit. Par exemple, il existe à Madras un collectionneur qui possède sept sculptures de [Anish] Kapoor et dont on ne devine même pas l’existence. »  Si certains s’aventurent timidement vers les artistes internationaux, ils se concentrent sur les Top 20. Ainsi les clients indiens de Lisson (Londres) achètent-ils des pièces de Kapoor, Tony Cragg ou Julian Opie. « Il n’y a pas de doute qu’ils veulent des trophées, admet Neha Kirpal. Cela fait partie du symbole « shining India ». Certains ont un Top 20 des artistes qu’ils souhaitent avoir. C’est une question de fierté. Ils réalisent que l’art indien n’est pas bon marché et qu’à ce prix, ils peuvent acheter autre chose. » 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°340 du 4 février 2011, avec le titre suivant : Indian Tonic

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