Art Paris

Homogénéité et attentisme

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 2 août 2007 - 779 mots

La foire a pâti de l’hésitation des collectionneurs avant les élections présidentielles.

 PARIS - « Dans les foires, les gens cherchent des trophées, mais Art Paris est un salon qui n’en a pas », confiait avec justesse le collectionneur américain Blake Byrne. Art Paris, foire d’art moderne et contemporain organisée du 29 mars au 2 avril à Paris, requérait de fait une certaine lenteur dans la visite et une empathie pour les artistes à la marge des grandes tendances. « Les gens ont l’esprit formaté par les grandes foires et les exposants qu’on y voit, lesquels conditionnent [le regard] sur certains artistes, regrette Henri Jobbé-Duval, codirecteur d’Art Paris. Sur Art Paris, il faut se recréer des repères. » Autrement, il serait tentant d’y voir un événement sans odeur ni saveur. Or, pour qui savait chiner, il y avait matière à trouvailles. Blake Byrne ne s’y est pas trompé en achetant deux dessins de Javier Pérez chez Claudine Papillon (Paris), et trois photographies de Brassaï chez Françoise Paviot (Paris). D’autres auraient pu jubiler devant une lettre tordante, truffée de fautes d’orthographe de Jean Dubuffet, chez Daniel Varenne (Genève) et Natalie Seroussi (Paris). De quoi affoler la dictée de Bernard Pivot !
Art Paris a même offert quelques moments magiques comme le bel accrochage de la Galerie Di Meo (Paris) autour des artistes turinois, de Giuseppe Penone à Michelangelo Pistoletto en passant par Pier Paolo Calzolari. On découvrait aussi sous un jour nouveau l’artiste Gérard Traquandi, grâce au one-man show orchestré par Laurent Godin (Paris). Ses œuvres ont semblé ne pas laisser insensible le ministre de l’Économie, Thierry Breton. De même, la Galerie 1900-2000 (Paris) a réussi un tour de force avec son hommage au galeriste Jean-Robert Arnaud au cours duquel une centaine de pièces ont été vendues en un jour. Après la vague Hantaï en 2006, c’était au tour de Jean Degottex et de Paul Rebeyrolle de sortir du rang. Mais Art Paris a manqué de grandes pièces, celles qui, en 2006, avaient donné une assise au salon, comme les Dubuffet de Jeanne-Bucher (Paris) ou les Hantaï de la Galerie de France (Paris). Une telle artillerie se révèle pourtant nécessaire pour ferrer les visiteurs. Certains marchands n’ont enfin pas totalement joué le jeu, à l’image de Ghislaine Hussenot (Paris) dont l’accrochage trahissait une certaine nonchalance. Quant aux galeries en sursis avant un éventuel couperet, elles étaient alignées en périphérie. Bien moins dissonante que l’an dernier, cette zone « en quarantaine » livrait tout de même son quota d’horreurs, comme cette langue articulée de Jack Vanarsky baptisée le Goût du beau à la Galerie du Centre (Paris).

Négoce inégal
Le « parcours sculpture » a fait quant à lui à nouveau tiquer, à l’exception notable de Norman Dilworth chez Oniris (Rennes) et de François Morellet chez Jean Brolly (Paris). Même les bons artistes s’y découvraient sous un mauvais jour, comme les bronzes de Daniel Spoerri apportés par Levy (Hambourg). Un choix d’autant plus regrettable que le marchand offrait en vis-à-vis un petit mur autrement plus convaincant de pièces anciennes de l’artiste suisse. D’autres exposants de ce parcours avaient opté pour un bazar plus digne d’une foire à la ferraille que d’un salon d’art. C’est oublier que le vide vaut mieux que le trop-plein…
Cette hétérogénéité se percevait dans le rythme commercial, plus disparate qu’en 2006. Bien que la grande bourgeoisie parisienne, attirée par la remise du Prix de dessin contemporain de la Fondation Daniel et Florence Guerlain à Sylvie Bächli (lire p. 13), ait été au rendez-vous, la fréquentation de la foire a baissé d’environ 20 %. Si certains exposants comme Sollertis (Toulouse) se sont tourné les pouces, d’autres ont invoqué de bonnes transactions lors du vernissage et un commerce plus mou les jours suivants. Art Paris aurait-il mangé son pain blanc l’an dernier avec l’effet Grand Palais ? Ou ce commerce contrasté s’explique-t-il par les incertitudes préélectorales ? Reste que la foire a séduit l’élite économique française, visiblement plus à l’aise dans ses travées que dans les couloirs des salons branchés. Le P.-D. G. de LVMH, Bernard Arnault, a ainsi mis une option sur un grand Nam June Paik de 1989 présenté par Albert Benamou (Paris), tout en achetant chez Guy Pieters (Knokke) une affiche lacérée de Jacques Villeglé, artiste qu’on a toutefois connu plus inspiré… De son côté, le président de Fimalac, Marc Ladreit de Lacharrière, a acquis un superbe tondo de Martin Barré chez Nathalie Obadia (Paris). Pour rallier d’autres acheteurs potentiels et fêter dignement ses 10 ans l’an prochain, Art Paris devra à la fois affiner et raffermir son offre.

ART PARIS

- Nombre de visiteurs : 35 000 - Prochaines dates : du 27 au 31 mars 2008

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°257 du 13 avril 2007, avec le titre suivant : Homogénéité et attentisme

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