Rapport

Hommage aux marchands

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 19 mars 2004 - 581 mots

Le document publié tous les ans par Tefaf rappelle l’apport des galeristes àl’histoire de l’art.

 MAASTRICHT - Depuis l’an 2000, Tefaf a coutume de publier des rapports sur le marché de l’art, via la European Fine Art Foundation. Après plusieurs opuscules économiques nourris de chiffres parfois fantaisistes, la foire privilégie cette année des essais moins financiers (1). Le thème central, les relations tumultueuses entre marchands et savants, n’en est pas moins polémique. Le plaidoyer en faveur du négoce est d’autant plus subtil qu’il est mené non par des antiquaires mais par une pléiade d’universitaires et de conservateurs au-dessus de tout soupçon.
Dans son article sur le commerce licite des objets d’arts, John Henry Merryman, professeur en droit à l’université de Stanford, tire à boulets rouges sur l’Unesco et sa « naïve » aversion du marché tout en dénonçant le manichéisme forcené des archéologues et les interdictions abusives de sortie des objets des pays sources. Il reproche notamment à l’Unesco de favoriser les échanges entre institutions internationales, escamotant le rôle du marchand, soupçonné de tous les vices. La suspicion envers le monde du commerce s’insinue aussi dans les musées comme le rappelle l’article titré « Le commerce de l’art, mariage forcé ou histoire d’amour ? ». Frederik J. Duparc, directeur du cabinet royal de peintures de la Mauritshuis (La Haye), se fait d’abord l’avocat du diable en rappelant les tribulations des Léopards, tableau supposé de Nicolas Poussin acquis en 1975 à prix fort par le Musée des beaux-arts de Montréal auprès d’un marchand. La toile s’est révélée fausse très vite après l’achat. Aux yeux de l’auteur, la culpabilité est partagée entre le galeriste et le directeur du musée. De ce navrant exemple, Frederik J. Duparc se garde bien de faire une généralité. Beaucoup d’établissements ont bénéficié de donations de marchands. Ces derniers mettent souvent leur entregent au service de conservateurs en quête de prêts. Par ailleurs, on observe à l’étranger des allers-retours fréquents entre le monde du négoce et celui des musées. L’auteur même de ce chapitre fut un temps marchand avant de retrouver son siège de conservateur. Les découvertes sont aussi parfois à porter au crédit des galeristes, même si tous ne sont pas chercheurs dans l’âme. Les articles signés par Marten Jan Bok et Richard Dorment (lire aussi p. 36) filent l’argumentation autour du lien « historique » entre savants et commerçants.
En fin de parcours, on délaisse la problématique marchand-musée pour aborder celle de galeriste-artiste. Traité à quatre mains par un marchand, John Sailer, et son artiste, l’Autrichien Arnulf Rainer, un essai dénonce le droit de suite, sujet opportun dans la perspective d’une harmonisation européenne. Opposé comme beaucoup d’artistes germaniques au droit de suite, Arnulf Rainer tient toutefois des propos surprenants : « On ne doit pas me forcer à percevoir un droit de suite sur chaque revente si je ne le souhaite pas. Si le droit de suite était optionnel, j’y serais moins opposé. » Aussi mauvaise soit la législation, elle ne peut toutefois être à la carte !
Le dernier article affiche un « mode d’emploi » pour éviter l’achat d’œuvres volées. Mais la multiplicité des bases de données sur les objets volés, dont certaines ne sont pas accessibles au monde du négoce, ne facilite pas la tâche. D’où le vœu, encore pieux, d’un fichier unique, international et aisément consultable.

(1) Art Market Matters (Le Marché de l’art en question), Anthony Browne (sous la dir.), éd. Tefaf, rens. : D. Hermanns ou T. Vellenga, 31 411 645090.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°189 du 19 mars 2004, avec le titre suivant : Hommage aux marchands

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