Guan Yi, l’ovni chinois

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 6 octobre 2006 - 465 mots

« Je ne me soucie pas du marché. Le prix d’une œuvre n’a rien à voir avec la qualité de celle-ci. » Dans le monde des investisseurs, le collectionneur pékinois Guan Yi fait figure d’extraterrestre ! Porté par l’ouverture amorcée en 1989, ce fils d’industriel de la chimie, taquine d’abord de la photographie. Lorsque le gouvernement serre les vis, il remise sa vocation et fait fortune dans les photos de mariage. Après avoir acheté du mobilier classique chinois et des antiquités, il plonge dans l’art contemporain chinois en 2001. Il détient aujourd’hui une collection de cinq cent œuvres, réparties entre trois entrepôts, dont un de 1 500 m2 à Pékin.

Un projet social et culturel
À rebours des autres acheteurs chinois focalisés sur la peinture, Guan Yi préfère les installations. Attaché à la notion d’espace, il apprécie l’artiste qui réside en France Huang Yong Ping, dont il possède une dizaine de sculptures, notamment la grande installation visible dans l’exposition « Canton Express » à la Biennale de Venise en 2003. Récemment, il a acquis auprès de la galerie Continua une installation de Chen Zhen baptisée Purification Room. D’ici l’an prochain, Guan Yi compte se frotter aux artistes occidentaux. Première étape, une commande passée à Daniel Buren, suite à l’exposition organisée par Continua en janvier à Pékin. Depuis, il a même engagé des pourparlers avec Olafur Eliasson. Il risque toutefois de se buter à des questions de tarifs. « Je dois aujourd’hui payer trois à quatre fois plus qu’au début pour acheter des œuvres », convient-il. Jusqu’ici, il avait toujours su saisir les bonnes occasions. En 2002, il a ainsi acheté au prix de la production le Bat Project 2 de Huang Yong Ping, censuré par la Triennale de Guanzhou. Aujourd’hui, le collectionneur espère doter son pays d’un musée digne de ce nom. « Guan Yi vient d’une génération idéaliste, précise Hou Hanru, directeur des expositions et des programmes publics au San Francisco Art Institute. Collectionner de l’art contemporain, c’est pour lui un vrai projet social et culturel. Il reste prudent, essaie de ne pas trop s’exposer pour garder son indépendance. Il ne veut pas d’un projet immature. » Son désir de musée s’achoppe pour l’heure à l’indifférence locale. « La somme de toutes les œuvres contemporaines que l’on trouve dans les musées chinois n’est pas comparable à la mienne, souligne l’intéressé. J’ai voulu donner ma collection à un musée chinois, mais aucun n’en a voulu, sans doute en raison de la taille des installations. Mon espace a été visité par de nombreuses personnes fortunées, mais presonne n’aurait voulu de mes œuvres, même gratuitement. Les gens ne comprennent pas que c’est de l’art. » Nonobstant les réticences, Guan Yi compte bien offrir une tournée internationale à sa collection vers 2008, avec un arrêt prévu en France.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°244 du 6 octobre 2006, avec le titre suivant : Guan Yi, l’ovni chinois

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