Gaieté, humour et poésie

Des créations de Jean Royère chez Jacques Lacoste

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 28 mai 1999 - 710 mots

Jacques Lacoste, jeune marchand installé rue de Lille depuis 1997, spécialiste des années quarante et cinquante, organise jusqu’au 2 juillet sa première exposition. Celle-ci comprendra une trentaine de pièces de Jean Royère créées entre 1937 et 1955 : sièges, tables basses, consoles et luminaires empreints de l’imaginaire du décorateur, connu pour sa fantaisie, sa gaieté et son souci du confort.

PARIS - À voir les créations de Jean Royère, toutes de fantaisie, de grâce et de légèreté, on comprend que le créateur se soit senti à l’étroit dans le milieu de la banque où il fit ses premiers pas professionnels. Issu d’une famille aisée et cultivée, Royère entre tardivement – en 1931, à l’âge de 29 ans – dans le petit monde de la décoration. “J’avais toujours eu la marotte, le goût de la décoration. Un goût si prononcé que, tout enfant déjà, je ne réclamais pas de jouets mais l’autorisation d’aménager une pièce dans les greniers de la maison de campagne,” déclarait-il au début des années soixante, dans un portrait qui lui était consacré. Autodidacte, il apprend le métier sur le tas dans une fabrique de meubles du Faubourg Saint-Honoré au tout début des années trente, puis il travaille pour Pierre Gouffé qui crée pour lui un rayon de meubles modernes avant de l’encourager à exposer au Salon d’automne de 1934 et, l’année suivante, au Salon de la Société des artistes décorateurs (Sad). Ses premiers meubles, dépouillés et dépourvus d’ornement, sont inspirés de la simplicité des créations de Djo Bourgeois et de Jacques Adnet. Dès les années trente, sa personnalité et son style tranchent dans un milieu conventionnel. Il ne prend pas parti dans la querelle qui oppose les traditionalistes, membres de la Sad, et les modernistes, membres de l’Union des artistes modernes, préférant affirmer sa singularité et tracer une voie personnelle. En 1937, il crée une table basse faite d’un plateau rond soutenu d’une sinusoïde et décline ce motif ondulé sur des appliques, des lampadaires et des chaises. À la fin des années trente et dans les années quarante, il donne naissance à des meubles originaux, ludiques, aux formes souples : un canapé en arc de cercle de 3,50 m de long, des bergères à oreilles, un fauteuil éléphanteau enveloppant (80 000 francs), ou encore des tables basse en rognon. Il utilise des matières nouvelles – velours pelucheux, fourrure blanche, tôle perforée – et recourt à des couleurs vives et gaies, des verts, rouges, jaunes, bleus soutenus. Il travaille sur les vides et les pleins, comme en témoigne la table basse “Tour Eiffel” en résille métallique (100 000 francs) présentée à côté d’un canapé “Ours polaire” (200 000 francs). “Royère veut surprendre, amuser, créer quelque chose de nouveau. Les formes oniriques, mi-organiques, mi-animales, sont issues de son imagination. Il privilégie le confort et la gaieté par rapport au luxe et à la sophistication”, explique Jacques Lacoste. Le décorateur porte une très grande attention à la lumière, réalisant de nombreux luminaires aux formes drôles ou poétiques, au jeu de courbes et de contre-courbes : une lampe-liane qui ondule sur le mur (150 000 francs) ou une lampe en fer forgé reposant sur un socle carré en marbre (50 000 francs). La cote des œuvres de Royère, qui a progressé lentement ces dix dernières années, enregistre depuis deux ans de très fortes hausses. “La demande s’est encore accrue depuis six mois, souligne Jacques Lacoste. Il y a cinq ans, il y avait quatre ou cinq clients potentiels pour une même pièce de Royère, contre vingt à vingt-cinq aujourd’hui. Les collections les plus importantes se trouvent aux États-Unis. Il y a cependant de plus en plus de clients français.”

En 1942, il s’installe à son compte à Paris, rue d’Argenson, puis rue du faubourg Saint-Honoré, en 1947, avant de créer des succursales ou des agences au Caire, à Beyrouth et au Pérou. Les commandes du shah d’Iran, de Hussein de Jordanie et du roi Fayçal assoiront sa réputation. En 1980, un an avant sa mort, il quitte la France pour les États-Unis, faisant don au Musée des arts décoratifs de la totalité de ses archives.

JEAN ROYÈRE

Jusqu’au 2 juillet, Galerie Jacques Lacoste, 22 rue de Lille, 75007 Paris, tél. 01 40 20 41 82, exposition-vente, tlj sauf dim. et lundi 14h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°84 du 28 mai 1999, avec le titre suivant : Gaieté, humour et poésie

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