Galerie

ART CONTEMPORAIN

François Réau, des dessins du tonnerre

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 11 mai 2022 - 520 mots

De grands ciels d’orage finement tracés habitent les murs de la galerie Clavé Fine Art, tandis que roses et branchages en accentuent leur rapport au temps dans ses différentes acceptions.

Paris. Son grand-père était bougnat : il livrait du charbon notamment à Giacometti. Sa grand-mère tenait un café aveyronnais dans le 14e arrondissement. Aussi quand François Réau (né en 1978) s’est vu proposer une exposition chez Clavé Fine Art, il a d’autant plus accepté qu’il avait là une belle occasion de contextualiser son intervention, selon l’un des principes qui régit sa démarche. En effet, récemment ouverte par Antoine Clavé (l’arrière-petit-fils de l’artiste Antoni Clavé), la galerie est située tout près du cimetière Montparnasse (donc dans le même quartier que celui des aïeux de Réau), dans l’ancien atelier de César réaménagé par l’architecte Kengo Kuma.

Sous le commissariat de Stéphane Ibars, François Réau a disposé au sol, au centre de l’espace, trois tas de sacs de jute ocre, neufs, tels ceux utilisés pour le charbon. Sur chacun de ces tas, il a placé des bouquets de roses. À cette fleur « baptisée de rosée » (Françoise Hardy) est généralement plutôt associée l’idée de fragilité, de douceur. Réau lui a préféré une autre option, comme l’indique le titre de son exposition « Sous l’orage des roses », un oxymore emprunté à la poétesse et romancière autrichienne Ingeborg Bachmann (1926-1973).

Des traits par milliers

Non loin de ces sacs et de ces roses, comme des fleurs tombales célébrées, l’artiste a disposé un tas de branches mortes : une façon, avec les lignes et les traits qu’elles dessinent dans l’espace, de jouer avec le vocabulaire du dessin et de donner un avant-goût à la petite vingtaine de travaux sur papier marouflé sur toile que l’on retrouve aux murs. Du plus important, un grand triptyque de 3,75 x 2,40 m qui figure de gros nuages dans un ciel d’orage avec des traits blancs pour signifier la pluie, jusqu’aux plus petits qui sont eux aussi réalisés au graphite et à la mine de plomb, tous évoquent des ciels… de plomb.

Ces œuvres rappellent que la pratique du dessin est au cœur même de la démarche de Réau, tandis qu’avec leurs dizaines de milliers de petits traits (pour chacun) qui tombent verticalement comme des gouttes de pluie et saturent de leurs ratures la surface, l’artiste évoque aussi bien le temps qu’il fait (plutôt des trombes d’eau) que le temps passé à strier la feuille de papier. C’est sa façon, avec un geste répétitif comme un mantra, de « mesurer le temps, de se demander comment on peut se mesurer au temps », indique-t-il, dans une quête, on l’aura compris, quasi sisyphéenne.

Entre 1 800 euros pour les plus petits et 27 000 pour le triptyque, les prix sont très raisonnables. Il faut dire que depuis quelques années François Réau a privilégié les projets institutionnels et muséaux – l’Abbaye royale de Fontevraud en 2019 et, en 2021, le domaine de Chaumont-sur-Loire dans le cadre de la Saison d’art – qui ont pris le pas sur sa production destinée au marché. Sa dernière exposition en galerie, présentée à la H Gallery (Paris), remonte à 2019.

François Réau, Sous l’orage des roses,
jusqu’au 25 mai, Clavé Fine Art, 10 bis, rue Roger, 75014 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°589 du 13 mai 2022, avec le titre suivant : François Réau, des dessins du tonnerre

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