Trois questions à

François Curiel, président de Christie’s Europe et directeur international du département de joaillerie

« Vendre là où une œuvre obtiendra le meilleur prix »

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 20 janvier 2006 - 847 mots

Votre actionnaire, François Pinault, pousse-t-il Christie’s à se maintenir numéro un sur le marché des ventes en France ?
Notre actionnaire a nommé Patricia Barbizet, directrice générale d’Artémis, présidente du groupe Christie’s. Mme Barbizet s’implique dans la stratégie du groupe au niveau international, mais ne nous a jamais demandé d’être les premiers dans tels pays ou catégorie. Elle a confié la gestion du groupe à un comité exécutif composé de six dirigeants de Christie’s, qui décident de la marche à suivre au quotidien. Les décisions sont prises de manière collégiale par : Edward Dolman, directeur général ; Jane Chesworth, responsable des finances et de l’administration ; Marc Porter, président pour les États-Unis ; Lisa King, responsable des salles des ventes ; Jussi Pylkkanen, directeur général pour l’Europe, et moi-même, en tant que président pour l’Europe et vice-président directeur général du groupe. Cela ne doit pas si mal marcher, puisqu’en 2005 nous sommes devenus les leaders mondiaux dans tous les pays et presque toutes les catégories. En ce qui concerne la France, notre rôle est de suggérer aux collectionneurs de vendre leurs œuvres d’art dans le lieu où nous pensons qu’ils obtiendront le meilleur prix. Il n’y a aucun manuel indiquant ce qui doit se vendre, où et quand. En fonction de l’œuvre, du marché, de la date où les objets nous sont confiés, des ventes de collections programmées dans un centre donné et du désir du vendeur, nous parvenons au cas par cas à établir un diagnostic. Il faut aussi tenir compte des questions fiscales, et je ne peux pas vous dire que le droit de suite n’influence pas l’envoi à New York ou à Londres de certaines œuvres. La renommée d’un collectionneur dans tel ou tel pays est aussi un facteur important. L’intérêt du vendeur prime, et non celui de la salle de ventes.

La joaillerie est votre secteur de prédilection, mais vous arrive-t-il d’avoir des coups de cœur artistiques dans d’autres domaines ?
Depuis 1969, date à laquelle j’ai commencé à travailler chez Christie’s, les bijoux demeurent ma passion. Je consacre entre 30 et 35 % de mon temps à évaluer des pierres ou des collections de bijoux qui pourraient être vendues chez Christie’s. Cela dit, mes fonctions européennes m’amènent à épauler mes collègues d’autres départements lors de négociations avec des vendeurs. Je m’implique ainsi dans l’évaluation d’objets hors de mon domaine d’expertise. La découverte d’une pièce et son étude sont la partie de ce métier que je préfère. Un jour, j’accompagne des collègues examiner une collection de tableaux anciens à Bruxelles. Le lendemain, c’est de l’orfèvrerie ancienne à Madrid. Un autre jour, je suis dans le midi de la France au milieu d’art contemporain. Je ne suis évidemment pas un spécialiste de tous ces domaines, mais, au cours des ans, mon œil s’est affiné. Aussi, lorsque j’ai une journée un peu éprouvante, avec de nombreuses réunions entrecoupées d’appels et de messages électroniques incessants, je quitte parfois mon bureau pour aller me promener dans nos réserves et me « reposer » entouré d’objets. Des coups de cœur, j’en ai presque tous les jours. Je suis tombé amoureux du nautile de la vente Wildenstein du 14 décembre à Londres. Il s’agissait d’un vase d’époque Louis XV, composé d’une conque marine irisée montée sur un pied d’orfèvrerie en bronze doré et créé en 1740 d’après un dessin de Meissonier. Je l’ai adjugé pour 1,63 million d’euros. J’aimais tellement cet objet que, pendant la semaine précédant la vente, j’allais tous les jours le voir, le prendre en main et passer quelques instants avec lui. Et puis, je suis passionné d’argenterie, passion qui m’a probablement été transmise par mon père. J’ai remarqué trois flambeaux en argent doré (Paris, 1677 et 1678) du maître orfèvre Pierre Ier Masse. Ils seront mis en vente le 30 janvier à Drouot par les experts Thierry Stetten et Roger Dechaut chez Jean-Claude Binoche. Ce sont de sublimes exemples du modèle dit « à la financière », c’est-à-dire avec un fût cannelé à section carrée.

Quels sont les objectifs de Christie’s France pour 2006 ?
Nous aimerions être LA société de ventes de référence, qui, forte de ses spécialistes parisiens, réseau international et savoir-faire bicentenaire, dépasse les attentes de ses clients, de ses collaborateurs et de son actionnaire. Nous voulons donc continuer sur notre lancée, développer nos acquis et offrir aux acheteurs et vendeurs les meilleures prestations possibles, tant au niveau de l’expertise, du choix du lieu de vente, que du service. Pour 2006, nous avons un programme de 41 ventes dans toutes les spécialités. Unique au monde, la bibliothèque érotique Gérard Nordmann, formée de mille ouvrages et estimée 3,5 millions d’euros, sera vendue en deux sessions (la première le 27 avril). Et, chose amusante, dans notre vente d’automobiles de collection, le 11 février au salon Rétromobile, nous présentons un modèle FSO Warsaw de 1958 ayant appartenu au pape Jean Paul II, alors évêque de Cracovie. Estimée 5 000 à 15 000 euros et proposée sans prix de réserve, cette voiture est une commande spéciale de Karol Józef Wojtyla et les papiers sont encore à son nom.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°229 du 20 janvier 2006, avec le titre suivant : François Curiel, président de Christie’s Europe et directeur international du département de joaillerie

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