Foire de bâle - Prudente et solide à la fois

Par Frédéric Bonnet · L'ŒIL

Le 28 juin 2012 - 822 mots

La 43e édition de la foire internationale d’art contemporain, en Suisse, s’est tenue du 14 au 17 juin. Tour d’horizon de ce qu’il fallait y voir.

Arpenter Art Basel relève toujours de la course de fond ; une épreuve d’endurance à laquelle collectionneurs, amateurs et professionnels se livrent de bonne grâce, tentant de dénicher la perle rare ou de percevoir un panorama de ce que le marché de l’art a de meilleur à offrir. La 43e édition de la grand-messe bâloise n’a pas fait mentir sa réputation de qualité, même si ce n’est pas l’audace qui a caractérisé les propositions de la majorité des 306 galeries participant cette année, restées pour la plupart très prudentes en une époque de crise qui n’en finit pas.
 
La compétition du monumental
Mais Art Basel ne serait pas Art Basel sans son lot d’œuvres iconiques, ce qui au rez-de-chaussée du hall principal, où sont notamment rassemblées les enseignes dédiées à l’art moderne, a donné lieu à une sorte de compétition visant à désigner celui qui sortirait la plus grosse… œuvre d’art s’entend ! Champion de la communication en la matière, Marlborough (Londres, New York) a ainsi dégainé non pas la plus volumineuse mais la plus chère, avec un Mark Rothko de 1954 affiché à 78 millions de dollars. À quelques encablures lui répliquaient Helly Nahmad (New York) avec un grand stabile de Calder (Trépied, 1972) proposé pour 9,5 millions de dollars et Hans Mayer (Düsseldorf) avec une formidable suite de huit sculptures de Jean Tinguely alignées sur près de 5 m de longueur à l’extérieur du stand (Snow White and the Seven Dwarfs or The Witches).

Karsten Greve (Cologne, Paris) n’était pas en reste avec un John Chamberlain de plus de 3 m de hauteur. Le sculpteur américain était d’ailleurs omniprésent, avec des œuvres de toutes tailles réparties chez pas moins de douze marchands ; un effet combiné de sa disparition en décembre dernier et de sa récente rétrospective au Guggenheim Museum, à New York.
Cette insertion du monumental était d’autant plus notable que le secteur Art Unlimited, qui lui est intégralement dédié, a finalement vu cette année peu de propositions dignes d’intérêt véritablement… monumentales, à l’exception d’une immense sculpture de Franz West évoquant un intestin proposée par Gagosian (New York) ou d’Olivier Mosset exposant pour Andrea Caratsch (Zurich) huit panneaux jaunes et roses arrangés en deux tableaux de 6 m de haut. Coqueluche du marché, Sterling Ruby tentait bien de rivaliser avec un quadriptyque tout aussi imposant qui toutefois s’effondrait face à sa propre vacuité et à l’indigence de son traitement pictural (chez Xavier Hufkens, Bruxelles et Sprüth Magers, Berlin).

Le retour en force de la peinture
Toujours dans le secteur moderne, notable était en outre une raréfaction relative de l’offre d’avant-gardes européennes et de travaux américains de l’après-guerre. Le phénomène n’est pas inutile, qui conduit les marchands à mettre en exergue d’autres figures, tels Krugier & Cie (Genève) proposant notamment un bel ensemble de Joaquín Torres García.
Alors que, jouant la carte de la non-prise de risque, la plupart des enseignes ont de manière traditionnelle offert un panachage d’œuvres de leurs poulains, quelques-unes – rares – ont dédié un espace de leur stand à un artiste, comme Massimo De Carlo (Milan, Londres) à Alighiero Boetti, Alexander & Bonin (New York) avec un magnifique accrochage de peintures de Paul Thek, ou Galleria dello Scudo (Vérone) qui a consacré près de la moitié de sa surface à Emilio Vedova. Tout aussi rares, certains se sont lancés dans l’aventure du solo show, à l’instar d’Eva Presenhuber (Zurich) avec un stand aux murs défoncés consacré à Doug Aitken ou Helga de Alvear (Madrid) avec un accrochage très zen dédié à Ettore Spalletti.
D’un point de vue général, le Salon a confirmé une tendance déjà très amorcée du secteur contemporain relative à un très net recul de l’intérêt pour l’art vidéo, mais aussi, dans une moindre mesure, de la photographie, même si l’on pouvait ici et là dénicher de bons clichés d’artistes tels Elad Lassry (David Kordansky, Los Angeles ; Luhring Augustine, New York), Torbjørn Rødland (Air de Paris, Paris) ou Rashid Rana (Chemould Prescott Road, Bombay ; Lisson, Londres). Le retour en force d’un goût marqué pour la peinture se confirme, de même que s’accentue encore chez certains artistes une sorte d’attention portée à la matière pauvre, comme un mouvement   Arts & Crafts   revisité. Ainsi Adrian Paci, que l’on a connu photographe et cinéaste, livrait-il chez Peter Kilchmann (Zurich) une sorte de tableau en mosaïque posé au sol et Armin Boehm ses tableaux parfois en partie composés d’un subtil patchwork textile chez Meyer Riegger (Berlin).
Sur le stand d’Upstream (Amsterdam), les jeunes Chiliens Cristóbal León et Joaquín Cociña diffusaient un film totalement décalé, The Ark (2011), où dans un sombre décor se nouent des relations tendres et morbides entre des personnages en carton, papier mâché et feuilles d’aluminium froissées : sans doute la plus grande hallucination de la foire. 

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°648 du 1 juillet 2012, avec le titre suivant : Foire de bâle - Prudente et solide à la fois

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