Arts premiers

Fini les envolées d’enchères

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 2 janvier 2014 - 801 mots

Les ventes d’arts premiers chez Christie’s et Sotheby’s marquent un léger tassement avec beaucoup d’invendus. Les objets de moyenne gamme trouvent difficilement preneur.

PARIS - L’ambiance était plutôt froide chez Christie’s et Sotheby’s les 10 et 11 décembre, toutes deux confrontées à un pourcentage d’invendus conséquent, 38 % pour la première et 36,5 % pour la seconde. Les deux maisons attendaient à elles deux 5,9 à 8,2 millions d’euros, mais récoltent 6 millions d’euros, frais compris. Pour Robert Caput, consultant chez Sotheby’s, « les objets sont méticuleusement sélectionnés. Il n’y a plus d’enchérisseurs pour une certaine gamme d’objets, ceux de qualité moyenne ». Mais pour Didier Claes, marchand à Bruxelles, « ceci n’est que l’expression d’un marché très sain », une bonne nouvelle en somme.

Si Christie’s l’a emporté en juin dernier, cette fois-ci, Sotheby’s qui avait moins de lots, s’en sort mieux, enregistrant l’enchère la plus haute des deux vacations : 1,4 million d’euros frais compris ont été déboursés pour l’acquisition du lot phare (est. 500 000 à 700 000 euros), un reliquaire Fang ayant appartenu à Georges de Miré, dont la vente de la collection d’art africain et précolombien « est une des premières grandes ventes de Charles Ratton et Louis Carré en 1931 à Drouot », souligne Marguerite de Sabran, directrice du département d’arts premiers à Paris. C’est Hélène Leloup, ancienne galeriste et spécialiste de l’art Dogon, assise au premier rang, qui a remporté la bataille contre un enréchisseur au téléphone. Deuxième meilleure vente chez Sotheby’s, une figure de reliquaire Kota (Gabon), provenant de l’ancienne collection de Paul Guillaume, a été adjugée 440 000 euros au marteau. Elle a été présentée au MoMA en 1935 lors de la célébrissime exposition « African Negro Art ». Une statue Ifugao des Philippines a été acquise par Bernard Dulon au prix record de 181 500 euros frais compris (est. 90 000 à 120 000 euros).

Quant au Musée du Quai Branly, il a préempté un couple de statues Atauro (Timor oriental) à hauteur de 40 000 euros prix marteau, sous les applaudissements du public, bien en dessous de l’estimation basse (70 000 euros). Ce n’est pas un cas isolé puisque d’autres lots ce sont vendus sous leur estimation, comme la figure de reliquaire Sangu adjugée 170 000 euros au marteau (est. 180 000 à 230 000 euros). Parmi les invendus, citons une herminette Maori refusée à 110 000 euros (est. 150 000 à 200 000 euros) ainsi qu’un sceptre en ivoire du Congo (est. 70 000 à 100 000 euros).

Christie’s déçue
La veille chez Christie’s, la vente a obtenu 2,4 millions d’euros frais compris, en dessous de l’estimation escomptée (2,9 à 4,2 millions d’euros). Pour Didier Claes, « cette vente méritait plus. Des objets de grande qualité ce sont vendus à moins de leur estimation, comme le masque Punu “blanc” du Gabon. L’acheteur peut se réjouir de son achat car il a obtenu un objet exceptionnel de qualité pour un prix très en dessous ». Ce masque a été adjugé 175 500 euros frais compris, contre une estimation de 150 000 à 250 000 euros. De même, « le sceptre en ivoire du Congo vendu 80 000 euros marteau valait à mon sens 3 fois plus que son estimation haute (150 000 euros) », se félicite Didier Claes, heureux acquéreur. Les plus fortes enchères sont allées à une sculpture de temple des Îles Fidji, vendue 433 500 euros frais compris (est. 200 000 à 300 000 euros), un record mondial pour une œuvre d’une telle provenance, collectée en 1863 par le révérend Thomas Baker qui a fini cannibalisé et à une statue dogon bras levés, que le marchand Alain de Montbrison a pu acquérir pour 250 000 euros au marteau, moins que son estimation basse fixée à 300 000 euros.

Au chapitre des invendus, le bouchon de flûte Biwat, Papouasie-Nouvelle-Guinée, estimé 200 000 à 250 000 euros, n’a pas eu la chance de son frère, vendu un an plus tôt chez Sotheby’s Paris au prix record de 1,4 million d’euros. Certes, celui-ci provenait de la collection Speyer puis Lemaire et était plus ancien. Le masque Punu noir, de la collection Jacques et Denise Schwob a connu le même sort (est. 100 000 à 150 000 euros).

« Lorsqu’une vente fonctionne un peu moins bien », conclut Didier Claes, « cela fait le bonheur des marchands, qui peuvent alors acheter. Ce qui n’est pas le cas si c’est trop cher ».

CHRISTIE’S, le 10 DECEMBRE

Expert : Charles-Wesley Hourdé
Résultat : 2,4 millions d’euros (FC)
Estimation : 3 à 4 millions d’euros (HF)
Nombre de lots : 113
Lots vendus : 62 %

SOTHEBY’S, LE 11 DÉCEMBRE

Expert : Marguerite de Sabran
Résultat : 3,7 millions d’euros (FC)
Estimation : 4 à 6 millions d’euros (HF)
Nombre de lots : 99
Lots vendus : 63,5 %

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°404 du 3 janvier 2014, avec le titre suivant : Fini les envolées d’enchères

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