Exceptionnelle Kermesse

De Jonckheere expose un étonnant Pieter Brueghel le Jeune

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 19 novembre 1999 - 709 mots

Un an après « Bruegel et ses contemporains », cinq ans après « la Nature morte en Flandres », Georges de Jonckheere organise dans sa galerie une exposition réunissant une soixantaine de tableaux flamands et hollandais des XVIe et XVIIe siècles. « Les Maîtres de l’Âge d’or en Flandres » rassemble un large choix de portraits, paysages, natures mortes et scènes de genre, dont une exceptionnelle kermesse signée Pieter II Bruegel.

PARIS - Kermesse avec théâtre et procession, exécutée en 1604, appartient à la première période de Bruegel d’Enfer (1564-1638), au cours de laquelle il reprend des compositions de son père en y ajoutant sa touche personnelle, usant de coloris plus vifs. La place du village est représentée en plongée : le centre du tableau est encombré d’une scène de théâtre en plein air, entouré d’une foule de badauds. Ce tableau, demeuré dans une même famille en Belgique depuis 1855, est à rapprocher de deux autres tableaux, l’un conservé au Fitzwilliam Museum à Cambridge, l’autre au Landsmuseum à Graz, en Autriche. L’Auberge Saint Michel (6,8 millions de francs), signé et daté de 1626, correspond à la deuxième période du peintre. Affranchi de l’influence paternelle, il réalise, entre 1619 et 1634, quatre versions de ce sujet qui se trouve à la frange de plusieurs genres picturaux : scène de genre, représentation architecturale, paysage. La façade de l’auberge est décorée d’un écusson figurant les Pays-Bas espagnols et d’une inscription : Que cette maison soit agréable à Dieu/Saint Michel est son nom. Deux hommes sont en train de boire devant l’auberge pendant que d’autres chargent une charrette. Plus tardif, Intérieur de taverne (1,2 million de francs) est, avec les scènes de danses villageoises, un des sujets favoris de David Téniers (1610-1690). Influencé par Adriaen Brouwer, il a aussi réalisé des portraits en buste de paysans, comme le Fumeur au bonnet rouge (680 000 francs), une allégorie de deux des cinq sens : l’odorat et le goût.

Une Vierge élancée et hiératique
Figurent aussi dans l’exposition des paysages, des natures mortes et des scènes religieuses. Souvent confondu avec le Maître de la Sibylle Tiburne ou avec celui de la Perle du Brabant, Dirk Bouts le Jeune (1448-1491) est connu pour ses tableaux de dévotion inspirés de Rogier Van der Weyden et de Hugo Van der Goes. Sa Vierge à l’Enfant (1,9 million de francs), élancée et hiératique, est intégrée dans un paysage panoramique qui occupe le fond du tableau. Plongée dans une méditation mélancolique, elle tend à son fils l’œillet symbolisant la future Passion du Christ. Derrière eux se profile un chemin sinueux menant à une ville qui pourrait être la Jérusalem Céleste.

“Outre les multiples foires auxquelles nous participons, nous organisons en général deux expositions par an dans notre galerie parisienne, explique Catherine Combe. Elles sont l’occasion pour nous de revoir nos clients – belges, hollandais, allemands et italiens – qui ne se déplacent pas sur les salons.”

Parmi les scènes d’extérieur, on remarquera un Paysage sylvestre avec paysans par Abraham Govaerts (1,7 million de francs). Ce fils de marchand de tableaux s’inspire à ses débuts des sujets de Joos de Momper et Gillis Van Coninxloo, avant d’affirmer pleinement, à partir de 1620, un style personnel. Govaerts (1589-1626) peint des sous-bois dans une veine préromantique, décrivant avec force détails les troncs enveloppés de lierre et les feuillages touffus. Les lointains sont baignés d’une lumière vaporeuse.

Abraham Mignon (1640-1679) s’intéresse davantage aux natures mortes, et particulièrement aux bouquets de fleurs entourés d’insectes virevoltants. Ces compositions lui offrent l’occasion de dévoiler son talent de coloriste et de se prêter à des études sur la lumière et le clair-obscur. Son Bouquet de fleurs avec oiseaux et insectes près d’un ruisseau en sous-bois, issu d’une collection française où il est demeuré cinquante ans, est à rapprocher d’œuvres conservées au Musée national de Varsovie, au Smith College Museum of Art de Northampton, aux États-Unis, ainsi qu’au Musée du Louvre. À noter enfin, une savoureuse Nature morte au panier de pêches et au bol de framboises (980 000 francs) de Jacob van Es (1596-1666), où fruits et légumes semblent dialoguer.

LES MAÎTRES DE L’ÂGE D’OR EN FLANDRES

Exposition-vente jusqu’au 24 décembre, galerie de Jonckheere, 100 faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris, tél. 01 42 66 69 49, tlj sauf dimanche 10h30-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°93 du 19 novembre 1999, avec le titre suivant : Exceptionnelle Kermesse

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