ART CONTEMPORAIN

Etel Adnan tisse son chemin

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 7 février 2018 - 535 mots

L’artiste et auteure américano-libanaise prend ses quartiers à la galerie Lelong, avec des estampes et des tapisseries de grand format qui prennent l’allure d’immenses aquarelles.

Paris. Etel Adnan (née à Beyrouth en 1925) avait déjà eu des expositions dans des galeries à Paris (chez Samy Kinge en 1987, elle a ensuite travaillé avec Claude Lemand), mais jusqu’en 2012 et sa participation à la Documenta de Cassel, elle était plus connue comme poète, essayiste, romancière, elle avait même écrit pour le théâtre (notamment avec Bob Wilson) et l’opéra. À partir de la manifestation allemande, sa carrière bascule : Hans-Ulrich Obrist lui organise en 2014 une rétrospective au Mathaf, Arab Museum of Modern Art, à Doha, avec un important catalogue et dans la foulée, elle rentre à la galerie Lelong, qui va lui permettre de développer certains aspects de son œuvre. Une première exposition, en 2015, rassemble des peintures, des papiers, des leporellos et une ­deuxième plus modeste, l’année suivante, avec des plus petits formats. Sa troisième exposition a lieu en ce moment à la galerie Lelong et se consacre entièrement aux estampes et aux tapisseries, une discipline à laquelle elle s’est intéressée depuis les années 1960, lorsqu’elle vivait en Californie, mais qu’elle n’avait encore jamais vraiment pratiquée, à l’exception d’une petite réalisation (60 x 28 cm) sur un étroit métier à tisser en 1989.

De l’abstraction à la figuration

Rien à voir donc avec l’ensemble d’une dizaine de tapisseries en laine dites en basse-lice, de grands formats (la plupart font autour de 200 x 150 cm), ici réparties en deux parties : la première pour celles dont elle avait dessiné le projet dans les années 1960-1970 et qu’elle n’avait jamais pu voir se réaliser ; et la deuxième d’après des cartons imaginés en 2017. S’il n’y a pas vraiment de rupture visuelle entre les deux, les plus anciennes évoquent toutefois des compositions abstraites, alors que les plus récentes penchent vers la figuration d’arbres, de feuilles, d’oiseaux (dont certains ne sont pas sans rappeler ceux de Braque). Et toutes permettent à Etel Adnan de travailler sur des formats plus grands et inhabituels pour elle (une petite toile accrochée dans un coin semble là pour le rappeler), d’aborder différemment l’espace et d’utiliser les couleurs avec plus de mouvement, de fluidité, de transparence qui, ici ou là, pourraient presque faire penser à de l’aquarelle. Bien loin en tout cas des aplats de ses tableaux. On retrouve cette façon, nouvelle pour l’artiste, de travailler la surface dans ses gravures, comme le révèle la vingtaine d’eaux-fortes et aquatintes, au rez-de-chaussée de la galerie, qui lui donnent la possibilité de jouer sur la surface et la matité de la couleur différemment qu’en peinture.

Des différences, il y en a également de grandes dans les prix qui vont de 1 000 à 2 000 euros pour les estampes et jusqu’à environ 70 000 euros pour les tapisseries. Un prix élevé par rapport à celui de ses peintures (généralement compris entre 33 000 et 48 000 euros) qui s’explique par le format, le coût de production et le fait qu’Etel Adnan, qui a le vent en poupe, est en quelques années rentrée dans d’importantes collections, aussi bien muséales que privées, dans le monde entier.

INFORMATIONS

Etel Adnan, La vie est un tissage,

jusqu’au 10 mars, galerie Lelong & Co, 13 rue de Téhéran, 75008 Paris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°494 du 2 février 2018, avec le titre suivant : Etel Adnan tisse son chemin

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