Dupré-Lafon majestueux

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 25 septembre 1998 - 539 mots

Après s’être intéressé à Jean-Michel Franck, Pierre Legrain et Pierre Chareau, Jacques de Vos ouvre sa galerie à Paul Dupré-Lafon (1900-1971), un architecte et décorateur aujourd’hui oublié du grand public. Vous pourrez découvrir jusqu’au 24 octobre une quinzaine de ses créations, célébrées pour leurs formes épurées et leur confort.

PARIS - Ses clients étaient richissimes, à l’image de René-Louis Dreyfus pour lequel il a aménagé, entre 1929 et 1932, un hôtel particulier rue Rembrandt, près du parc Monceau, ou d’Aristote Onassis dont il a décoré le célèbre appartement de l’avenue Foch. Paul Dupré-Lafon a connu son heure de gloire des années trente aux années cinquante. Il était, depuis, ignoré du grand public et négligé par les marchands qui lui préféraient Jean-Michel Franck ou Pierre Chareau. “J’ai voulu contribuer à faire resurgir ce grand nom de l’Art déco, l’un de ses principaux décorateurs au même titre que Robert Mallet-Stevens, Eileen Gray ou Francis Jourdain, déclare Jacques de Vos. Aucune exposition ne lui a été consacrée depuis 1990”.

Né en 1900, à Marseille, dans une famille d’industriels aisés, Paul Dupré-Lafon s’est installé à Paris en 1925, après avoir obtenu ses diplômes de décorateur et d’architecte. Ses meubles massifs, qui associent avec bonheur matériaux bruts – fer, bois, bronze – et matériaux raffinés – laque, parchemin, cuir – ont rapidement connu le succès. Pour aménager l’hôtel particulier de René-Louis Dreyfus, son plus grand chantier, il disposait de 2 500 m2. “Dupré-Lafon est le seul décorateur auquel aient été confiées de telles superficies. Étant aussi architecte, il aimait remodeler les volumes et ne concevait son métier qu’en envisageant un intérieur dans sa globalité. Il a su imposer un style majestueux, une esthétique basée sur l’élégance, le luxe et le confort”, poursuit le marchand.

Des objets aux formes épurées
Parmi la quinzaine de créations exposées figurent des meubles – bureau, fauteuils, sièges, table de salle à manger, canapé, buffets – mais aussi des objets aux formes épurées, comme ces chenets surmontés de deux boules en verre (80-100 000 francs). Quelques pièces ont été achetées à des descendants, d’autres à des collectionneurs, telle l’enfilade en merisier et parchemin (600-700 000 francs) provenant d’une villa de Sainte-Maxime entièrement meublée par Dupré-Lafon. Exécuté en 1948, le meuble plaqué de merisier français, ouvrant à quatre portes à abattants gainées en façade de parchemin, est recouvert de trois plaques de granite gris foncé qui s’enchâssent dans le plateau, un jonc de bronze doré soulignant la façade inférieure. Comme il est d’usage chez ce décorateur, les formes massives ont été allégées en jouant sur les matériaux. Ses meubles sont souvent agrémentés d’aménagements pratiques : tiroirs secrets, compartiments cachés, mollettes et articulations permettant de relever ou d’abaisser le plateau d’une table. Ainsi, un bureau en bois laqué noir datant de 1939 (350-400 000 francs) est muni d’un tiroir en ceinture équipé d’un rangement métallique laqué corail, encadré à droite d’un caisson à deux tiroirs larges et profonds aménagés de dossiers suspendus. Des prises électriques en laiton doré sont installées dans la plinthe, diffusant des notes de lumière qui émergent de la laque noire.

PAUL DUPRÉ-LAFON OU L’ÉLÉGANCE EXACERBÉE

Exposition-vente jusqu’au 24 octobre, galerie Jacques de Vos, 7 rue Bonaparte, 75006 Paris, tél. 01 43 29 88 94, tlj sauf dimanche 10h30-13h et 14h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°67 du 25 septembre 1998, avec le titre suivant : Dupré-Lafon majestueux

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